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mercredi 12 février 2014

La mort impossible (Réflexion sur la Photographie)

Marcel Proust sur son lit de mort photographié par Man Ray


De tous les arts, la photographie n’est-elle pas ce qui promet à l’homme une victoire sur la mort – victoire imparfaite il va sans dire ? N’est-elle pas une tentative de capture d’un temps insaisissable et inconsistant que l’on nomme – faute de mieux – le présent ou l'instant ? 



Cette image qui transparaît, on la croirait émerger de dessous des eaux figées : visage immobile sous une pellicule de glace. Et les traits bleuis qui se dégagent portent en eux un décès impossible, car ce qui monte de la photographie, c’est un chant éteint, dont l’écho tarde pourtant à mourir à nos oreilles. 



Le symbole de cet art est une sorte de conservation funèbre : un papillon encastré dans de la cire refroidie. À cela près que l’image photographique ne fait que représenter ce que fût le défunt et ne porte en elle nulle dégradation, nulle décomposition de la matière. La photographie est de la mort inachevée. 



Cet homme était là, dans un temps qui n’existe pas ou plus, c’est selon ; et dès lors, qu’il soit mort physiquement importe peu car son ancienne image l’arrache à la disparition totale. Celui qui se trouve prisonnier de cette fenêtre de papier, en tant que représentation de lui-même, ne meurt pas. Là se trouve peut-être une blessure nostalgique : nous regardons les images de visages, de chairs, qui ne se corrompent point, qui ne peuvent pas s’acheminer vers leur irrémédiable fin. Car tout n’est de par le monde que changement et altération. 



La photographie est un tissu de mémoire qui lévite au-dessus des inévitables décrépitudes du vivant. Mais c’est une fausse vie éternelle qu’il suffit d’approcher des flammes pour la faire devenir cendre. 




Thibault Marconnet
2007-2008