mercredi 5 février 2014

Le Tigre (William Blake)



Tigre, tigre, flamme claire
Dans les forêts de la nuit,
Quelle main, quel œil immortel,
Purent donc bâtir ton ordre terrible ?

Dans quel abîme, en quels cieux
Brûlait le feu de tes yeux ?
D’où les ailes pour monter ?
Quelle main osa s’emparer du feu ?

Quelle épaule nue, quel art
Nouèrent les fibres de ton cœur ?
Et quand ton cœur se prit à battre,
Quelle effrayante main, quelle marche effrayante ?

Quel le marteau ? quelle chaîne ?
En quelle fournaise ta tête ?
Que fut l’enclume ? Quelle effrayante prise
Osa maîtriser ses terreurs mortelles ?

Quand les astres lancèrent leurs épieux,
Inondèrent de larmes les cieux,
Sourit-il à voir son ouvrage ?
Celui qui fit l’agneau, est-ce lui qui t’a fait ?

Tigre, tigre, flamme claire
Dans les forêts de la nuit,
Quelle main, quel regard, immortels
Osèrent bâtir ton ordre terrible ?


© William Blake

Traduit par Pierre Boutang


The Tyger


Tyger, Tyger, burning bright
In the forests of the night,
What immortal hand or eye
Could frame thy fearful symmetry?

In what distant deeps or skies
Burnt the fire of thine eyes?
On what wings dare he aspire?
What the hand dare sieze the fire?

And what shoulder, and what art
Could twist the sinews of thy heart?
And when thy heart began to beat,
What dread hand? And what dread feet?

What the hammer? what the chain,
In what furnace was thy brain?
What the anvil? what dread grasp
Dare its deadly terrors clasp?

When the stars threw down theirs spears
And water’d heaven with their tears,
Did he smile his work to see?
Did he who made the Lamb make thee?

Tyger, tyger, burning bright
In the forests of the night,
What immortal hand and eye
Dare frame thy fearful symmetry?


Henri Rousseau dit Le Douanier, Tigre dans une tempête tropicale, 1891

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