Richard
Millet est de ces écrivains dont la plume vibre comme une épée. Fleurettiste
brillant, il frappe d'estoc et de taille à même la chair des mots.
Quand
Millet se penche sur l'histoire de Gesualdo – immense compositeur italien du
XVIe siècle –, il y relate la vie d'un homme cloîtré volontairement en son
château pour y expier le meurtre passionnel de sa femme et de l'amant de
celle-ci.
Gesualdo
ou la destinée crépusculaire d'un homme voué entièrement à sa musique, agrippé
à celle-ci comme à la dernière planche de salut possible. Après avoir fait
couler le sang de sa femme adultère, Gesualdo voulut que l'on fasse aussi
couler le sien : pour ce faire, des hommes de son service avaient pour tâche
quotidienne de le fouetter. À cela deux raisons : pour l'expiation bien sûr
mais aussi, et c'est plus étrange, afin qu'il puisse déféquer.
Anonyme, Portrait de Gesualdo |
Richard
Millet – après s'être imprégné de la musique si particulière de Gesualdo qui
comporte des phrases dissonantes fort novatrices pour l'époque –, s'attache à
témoigner de la souffrance d'un homme qui s'est enfermé dans les ténèbres ; qui
s'est enfoui dans son château comme dans un cercueil en refermant le couvercle
sur lui.
Mais
Gesualdo n'est pas l'unique reclus de sa folie : il y fait participer également
– contraints et forcés en quelque sorte – sa nouvelle femme, ses jeunes
domestiques féminines ainsi que son fils qui ne peut lui pardonner l'assassinat
de sa mère.
Le
verbe de Richard Millet, dans ce livret d'opéra, est éclairé comme une toile du
Caravage ou de Georges de La Tour : une rare lumière enclose au sein d'un
linceul de ténèbres.
Il
y a de la nuit dans ces pages, de la nuit qui aspirerait à n'être plus
l'anathème du jour ; dans l'espoir d'une improbable résurrection, à tout le
moins d'une rémission.
© Thibault Marconnet
03/04/2013
Gesualdo : Sabbato Sancto Responsoria - Sicut Ovis Ad Occisionem
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire