dimanche 16 février 2014

Gesualdo ou Le clair-obscur d'une âme tourmentée



Richard Millet est de ces écrivains dont la plume vibre comme une épée. Fleurettiste brillant, il frappe d'estoc et de taille à même la chair des mots.
Quand Millet se penche sur l'histoire de Gesualdo – immense compositeur italien du XVIe siècle –, il y relate la vie d'un homme cloîtré volontairement en son château pour y expier le meurtre passionnel de sa femme et de l'amant de celle-ci.

Gesualdo ou la destinée crépusculaire d'un homme voué entièrement à sa musique, agrippé à celle-ci comme à la dernière planche de salut possible. Après avoir fait couler le sang de sa femme adultère, Gesualdo voulut que l'on fasse aussi couler le sien : pour ce faire, des hommes de son service avaient pour tâche quotidienne de le fouetter. À cela deux raisons : pour l'expiation bien sûr mais aussi, et c'est plus étrange, afin qu'il puisse déféquer.


Anonyme, Portrait de Gesualdo


Richard Millet – après s'être imprégné de la musique si particulière de Gesualdo qui comporte des phrases dissonantes fort novatrices pour l'époque –, s'attache à témoigner de la souffrance d'un homme qui s'est enfermé dans les ténèbres ; qui s'est enfoui dans son château comme dans un cercueil en refermant le couvercle sur lui.
Mais Gesualdo n'est pas l'unique reclus de sa folie : il y fait participer également – contraints et forcés en quelque sorte – sa nouvelle femme, ses jeunes domestiques féminines ainsi que son fils qui ne peut lui pardonner l'assassinat de sa mère.

Le verbe de Richard Millet, dans ce livret d'opéra, est éclairé comme une toile du Caravage ou de Georges de La Tour : une rare lumière enclose au sein d'un linceul de ténèbres.

Il y a de la nuit dans ces pages, de la nuit qui aspirerait à n'être plus l'anathème du jour ; dans l'espoir d'une improbable résurrection, à tout le moins d'une rémission.


© Thibault Marconnet

03/04/2013



Gesualdo : Sabbato Sancto Responsoria - Sicut Ovis Ad Occisionem


Richard Millet

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