vendredi 14 février 2014

Rouge baie



Claude Monet, La Pie, 1868-1869


Plus ne voit feuillages verdir,
Quand neige clôt dans son châle,
Prairies de sa lourde cire :
Tout se vêt de teintes pâles.

Dites-moi si l’oiseau chante,
Pour que printemps s’en revienne.
Soleil déchu, froid qui vente :
S’éteint la bougie ancienne.

Plus ne sent le monde bouger :
Lac gelé où frissons passent.
Vois comme mes yeux sont âgés :
Chênes que la cognée casse.

Dites-moi ce qui me hante
Pour que plus ne m’en souvienne
Et que lassitude lente
Nulle part ne s’en revienne.

Plus n’entend la plainte de l’eau :
Reclus en ma thébaïde.
Tout est comme dans un berceau :
Morte est cette chrysalide.

Dites-moi sur quelle pente,
Traîner la croix qui fut mienne.
Dieu, que ma chair est dolente !
Faites que l’on me soutienne.

Dors à présent, âme glacée,
Dans ce deuil où gît la chaleur.
Mon être de tout est lassé,
Qui trop a connu le malheur.

Dans le blanc tombeau, que suis-je ?
Rien qu’un corbeau au chant muet.
Mais c’est alors que je songe :
Mon cœur est une rouge baie.


© Thibault Marconnet

26/07/2011


Utagawa Hiroshige, Station de Mariko, 1847-1850





1 commentaire:

  1. Il est profond et beau comme un poème saturnien mais enrichi d' une touche colorée, c' est le même contraste complémentaire qui m' a frappée à l' exposition Van Gogh/Hiroshige, la délicatesse et la précision de l' estampe, la force dorée et tourmentée des huiles.

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