Lors d’une
discussion avec quelqu’un qui m’est inconnu, tout dans la rencontre est déjà
promesse de découverte ou refus de prolonger cette approche. L’autre est
porteur d’un univers en soi-même, d’une terre nouvelle, d’une rive peuplée de
phares et d’écueils ; il est ce qui m’est totalement étranger car je ne
pourrais jamais entrer en lui, il n’y a nulle symbiose ni aucune assimilation
possible.
La seule communion qui puisse nous rapprocher n’est dès lors
qu’imparfaite, incomplète et nous devons nous en contenter. Ce langage qui nous
relie à l’autre est divers par essence : sa source file, bondissante, au
travers des gestes, des expressions du visage – et combien celui-ci peut être troublant de beauté et d’émotion ! Et
cet accord, cette liaison passent évidemment par la parole même, qui est en
droit et a le pouvoir de nourrir nos erreurs, nos malentendus, nos
interprétations les plus fantasques tout autant que nos joies les plus fortes lorsque
nos mots viennent épouser ceux de l’autre ainsi qu’une figurine revient se
loger en son moule d’origine.
Lorsque l’autre et moi-même sommes au sein de
cette parole, celle-ci se referme, se clôt à tout ce qui l’entoure comme si les
rues, les arbres, les couleurs, les êtres ne formaient plus qu’un espace flou
et indistinct, ostracisé du lieu même de l’entretien. Dans cet endroit de la
parole, est mis à l’index tout ce qui ne lui agrée pas, elle discrimine avec
une grande vivacité. La ville que je traverse en solitaire et celle que je
parcours durant un échange avec une personne sont identiques et ne sont pas les
mêmes : mon point de vue éclaire le lieu d’une lumière différente.
L’autre
n’est pas seulement un monde en soi-même, il me permet d’accéder à un profond
étonnement, me fait sortir de moi pour me placer devant une fenêtre qui ne
demande qu’à s’ouvrir toute grande sur ce qu’il représente et sur une
perspective nouvelle : voir autrement.
L’autre transfigure mon rapport au monde car il est le détenteur d’un
pouvoir de création qui lui est inconnu, heureux démiurge qui
s’ignore !
Thibault Marconnet
2009-2010
C' est une conception très intéressante, je me demande parfois s' il n' existe pas une fusion dans le Verbe, et si ne s' exerce pas " une pénétration platonique" dans les échanges vrais, en tout cas parler avec un " pair" me recrée.
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