samedi 15 février 2014

Le sang des cerises

Odilon Redon, Buddha, 1906


« Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu’à la fin de l’âge. »
(Mt 28, 20)


Il y eut des murailles de nuit
Sur mes jours d’autrefois,
Des espaces vides de bruit
Et la rumeur montante de la foi.

Mes lèvres de craie ont baisé
La bouche noire de la terre :
Cette amante que nul n’a déniaisé
Sans rejoindre les tombeaux millénaires.

Silhouette drapée du sang des cerises,
Je t’ai cherché, cherché en vain ;
Mais ton corps est un verre qui se brise,
Un linceul tout taché de vin.

Au pied des chênes hiératiques,
On m’a vu prier dans la plaie du matin ;
Fouiller de mes doigts sceptiques
La blessure de l’homme, la gloire du saint.

Au crucifix, j’ai volé des échardes
Pour témoigner dans le silence ;
Porter ma peau comme une vieille harde
Sous le ciel blanc de l’enfance.

Sur ma poitrine comme un arbre,
La cognée de ton nom a fait perler la sève ;
Et je sais ceux qui dorment sous le marbre,
Attendre mains jointes que le jour se lève.

Un incendie a pris dans mon âme de foin,
Qui se débat avec l’invisible comme une vieille folle ;
Arrachant par touffes l’ivraie et le grain
Pour trouver ton insaisissable Parole.

Au bout de mes pas se trouve la dormance.
Ô Fils ! fais qu’à ta voix, mon être se fiance !

Pour ne pas m’enfouir dans une eau boueuse
Au temps du long exil, de la dernière transhumance ;
Mais me baigner dans la verdure lumineuse.

Et finir dans la lumière
Ainsi que l’on commence.


© Thibault Marconnet
31/03/2013

Aurore Lephilipponnat, Christ en croix, 2011-2012


Odilon Redon, La cape jaune, 1895



Je vous invite chaudement à aller rendre visite à Aurore Lephilipponnat sur son site. Vous y verrez des merveilles. Cette jeune femme habitée par sa vision, peint à même la chair de ses toiles pour faire jaillir la lumière enclose au sein de l'ombre.



2 commentaires:

  1. Quelle épitaphe, je suis sûre qu' il y a une place dans la lumière pour les blessés du ciel.

    RépondreSupprimer
  2. Je suis allée voir ton amie peintre à l'incroyable talent des corps. Il y a encore beaucoup de souffrance et je souhaite qu'elle transcende un jour cette partie pour arriver dans un ailleurs plus heureux. Pour elle. Elle le fera, j'en suis certaine. Tout cela deviendra plus lumineux avec le temps.

    RépondreSupprimer