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jeudi 6 juillet 2017

Florent Marchet - Qui je suis

Hans Wulz, Der Bettler (Le Mendiant), 1949

Florent Marchet - Qui je suis


Il est bon de se rappeler, comme le fait avec beaucoup de sensibilité Florent Marchet, qu'il existe des hommes et des femmes qui n'ont rien et dont la vie compte - ou devrait compter - tout autant que celle des autres. La réussite : combien ce mot sonne creux dans la bouche d'un monarque républicain méprisant et prétentieux... Merci à Florent Marchet pour cette chanson poignante.

Qui je suis

Pas d’adversaire
De concurrent
De plan de carrière
De liens du sang
De comptes à rendre
De rendez-vous
De choses à vendre
Pas de joujou
Pas de tanière
Et pas d’argent
Pas de manière
Pas de pansement
Pas de vacances
Pas de travail
D’adolescence
Et pas de bail
Pas de printemps
De réveillon
Je sais pourtant
C’est pas si con
Pas de télé
Pas de limite
Pas de bébé
De réussite

Il y a tellement d’étoiles
Sous mon ciel hivernal

Qui je suis ?
Dis-moi qui je suis ?
Qui je suis ?
Dis-moi qui je suis ?

Pas de coutume
De compte en ligne
Pas de costume
Je reste digne
Pas de séchoir
Sous l’abribus
De cours du soir
Pour gagner plus
Pas de vitrine
Et sans filet
Sans vitamines
Au déjeuner

Je parle à mon sac à dos
J’en fais même un peu trop

Qui je suis ? Dis-moi qui je suis ?
Qui je suis ? Dis-moi qui je suis ?

Pas de portable
De livret A
Tout seul à table
Et sous les draps
Pas de chauffage
D’admirateurs
Je n’ai plus d’âge
Et je fais peur
Pas de baignoire
Et pas d’humour
Pas d’antivol
Quand vient le jour

Je cherche dans les poubelles
De l’amour fraternel

Qui je suis ?
Oublie qui je suis
Qui je suis ?
Oublie qui je suis…

Florent Marchet (Photo : DR)

jeudi 13 avril 2017

Pier Paolo Pasolini : Supplique à ma mère



Il est difficile de dire, dans le langage d'un fils à sa mère,
ce qui, en mon for intérieur, ne me ressemble guère.

Tu es la seule au monde à savoir ce qu'il en a toujours
été de mon cœur, avant tout autre amour.

C'est pourquoi je dois te dire ce qu'il est horrible de connaître :
c'est dans ta grâce que je vois mon angoisse naître.

Tu es irremplaçable. C'est pourquoi est condamnée
à la solitude la vie que tu m'as donnée.

Et je ne veux pas être seul. J'ai une faim démesurée
d'amour, de l'amour de corps sans âme demeurés.

Car l'âme est en toi, c'est toi, tu es simplement
ma mère et ton amour est mon asservissement :

j'ai passé asservi à cette sensation toute mon enfance,
sensation élevée, irrémédiable, d'un engagement immense.

C'était le seul moyen de ressentir la vie,
sa nuance absolue, sa forme absolue : voilà, elle est finie.

Nous survivons et c'est la confusion
d'une vie renée hors de la raison.

Je te supplie, ah je te supplie, de ne pas vouloir mourir.
Je suis ici, seul, avec toi, en un avril à venir...

Pier Paolo Pasolini

Poésie en forme de rose, traduction par René de Ceccatty, Éditions Payot, Collection Rivages poche, p. 83-85


Vittorio La Verde, Pier Paolo Pasolini con la madre nella sua casa di Monteverde. Roma, 1965

Pier Paolo Pasolini : Qui je suis [1998 / France Culture] :