Francisco de Goya, Le Chien, 1819-1823 |
Je marche le long
d’une route déserte ; çà et là, quelques rares maisons sont établies à
flanc de montagne. Il y a des tas d’éboulis en plusieurs endroits : la
pierre blanche et calcaire contraste avec le vert cru de l’herbe.
Au loin, un imposant
château profile sa silhouette. Les prés alentours sont vides : les paysans
sont partis. Quelques corbeaux croassent dans leur robe noire ainsi que des
moines bénédictins qui donneraient une messe à ciel ouvert.
Je chemine sur cette
route de terre depuis plusieurs jours, épuisé. Mon ventre gronde sous l’effet
de la faim ; ma bouche est sèche comme du bois brûlé. En vain je guette
une quelconque présence humaine.
Des trottinements
résonnent sur les cailloux du chemin. C’est un chien immense qui s’avance vers
moi en remuant la queue : sa taille est égale à celle de deux hommes
forts. Arrivé à ma hauteur, il me renifle, me lèche le visage et s’allonge afin
que je monte sur son dos. Mettant de côté mes craintes, les yeux rougis par la
fatigue, je grimpe sur son dos en m’accrochant à ses longs poils blancs.
Le chien avance
lentement pour ne pas me brusquer. Je m’écroule de fatigue et tombe dans le
sommeil comme une lourde pierre au fond d’un lac.
C’est le bruit du vent
dans les arbres qui me sort de ma torpeur. Des nuages noirs s’amoncellent à
l’horizon ; le ciel devient une immense soute à charbon. De la grêle vient
fouetter mon corps fatigué. Pour m’abriter, je me recroqueville dans les poils
drus du chien.
Celui-ci semble
imperturbable comme un rocher au milieu d’une tempête.
Il se met alors à
courir et je m’accroche plus fortement à lui. Le grand chien blanc monte dans
une forêt où les feuilles nous protègent quelque peu du déluge. Après quelques
foulées, mon regard vient buter sur le château qui se trouve désormais à
quelques mètres de nous.
Le chien s’avance,
tranquille, jusqu’à la porte lourde et massive. Celle-ci semble s’ouvrir comme
par enchantement. Le chien pénètre dans le château et me conduit dans une
grande salle illuminée de flambeaux. C’est alors qu’il se couche et me laisse
descendre.
Une fois à terre, je
me retourne : le grand chien blanc a disparu comme avalé par les murs. Une
table est dressée au centre de la pièce. Des mets en abondance y sont alignés.
Je mange jusqu’à ce que mon ventre n’en puisse plus. Je ne me suis jamais senti
aussi comblé.
Une lumière ocre et
vive flotte au-dessus du château comme un bouclier : le ciel noir ne peut
franchir cette enceinte.
Dans une cour remplie
de fleurs éclatantes, se trouve une fontaine au doux chant. Je plonge mon
visage dans l’eau et je suis lavé de tout : du passé, de mes souvenirs, du
présent, de l’avenir…
Je bois l’eau fraîche
qui coule en moi à la manière d’un baume. La lumière croît autour du château,
emplit l’espace. Je ne savais ce que je cherchais dans mon errance et je viens
de le trouver : c’est cet abri miraculeux au sein de la tempête.
Mû par une volonté
inconnue, je suis allé vers cette lumière cachée. Elle m’a englouti comme une
mère recueille un enfant au creux de ses bras. Je suis sauvé.
© Thibault Marconnet
15/11/2013
C' est métaphorique comme un conte de Lewis Carol , chien blanc , lapin blanc, repas qui fait grandir, toujours l' épopée de l' homme qui doit avaler, ne pas avaler, éviter d' être avalé...
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