Odilon Redon, Prophète, 1895 |
Cette lumière est
celle de l’esprit, froide et planétaire,
Et bleue. Les arbres
de l’esprit sont noirs.
L’herbe murmure son
humilité, dépose son fardeau de peine
Sur mes pieds comme si
j’étais Dieu.
Une brume capiteuse s’est
installée en ce lieu
Qu’une rangée de
pierres tombales sépare de ma maison.
Je ne vois pas du tout
où cela peut mener.
La lune n’offre aucune
issue, c’est un visage morne
D’une blancheur d’os
effroyable.
Elle traîne derrière
elle l’océan comme un crime obscur ; elle est calme,
Trou béant de
désespoir total. J’habite ici.
Deux fois tous les
dimanches les cloches ébranlent le ciel –
Huit langues
puissantes annoncent la Résurrection.
A la fin, seul vibre
le son grave de leur renommée.
Le cyprès se dresse
alors, gothique.
Aux yeux levés sur
lui, il désigne la lune.
La lune est ma mère.
Elle n’a pas la patience de Marie.
Son vêtement bleu
laisse échapper chauves-souris et hiboux.
Je voudrais tellement pouvoir
croire à la tendresse –
Au visage de cette
effigie, adouci par la lueur des cierges,
Qui poserait sur moi
son regard bienveillant.
Je suis tombée de trop
haut. Des nuages fleurissent,
Mystiques et bleus, à
la face des étoiles.
Dans l’église les
saints doivent être tout bleus,
A frôler les bancs
glacés de leurs pieds délicats,
Et leurs mains et leur
visage tout engourdis de sainteté.
La lune ne voit rien
de tout cela. Elle est chauve, elle est cruelle.
Et le message du
cyprès n’est que ténèbres – ténèbres et silence.
Odilon Redon, Fleur du marécage, 1884-1885 |
Odilon Redon, L'enfant prédestinée, dit aussi Ophélie, 1904-1905 |
© Sylvia Plath
(in Ariel, p. 56-57)
Sylvia Plath en 1954 |
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