Thibault Marconnet, Autoportrait rouge, 2013 |
Les
véritables amis n’essayent pas de se changer l’un l’autre, de se façonner tels
qu’ils le désirent ou de se regarder ensemble comme en un miroir. Respectueux
de leurs ombres et de leurs lumières respectives, ils ne s’étouffent pas. La
grande et belle amitié a lieu lorsque les personnes sont des individus au sens plein du terme,
c’est-à-dire qu’elles sont indivisibles,
qu’une unité se trouve en leur centre. Être indivisible, cela revient à
comprendre sa valeur intérieure, l’or ardent qui luit au fond de soi. Celui qui
a compris cela ne cherche pas à se faire valoir au détriment de l’autre en
tentant de se l’assimiler. Et qui essaierait d’avaler cet être indivisible, ce
calme brandon, s’y brûlerait atrocement la gorge au contact du feu serein qui
l’habite au plus profond.
La
maîtrise de soi est le seul symbole de virilité qui vaille. Plaignez donc tous
ceux qui ne sont pas capables de cette musculature de l’âme. Car ils vocifèrent
en croyant parler, sont confus en pensant être clairs et s’infirment en se
targuant de s’affirmer. C’est en s’éloignant de leurs rives qu’ils croient y
accoster. Ils sont si exilés d’eux-mêmes ! Leurs aboiements ne font que
protéger une maison imaginaire car il ne demeure en eux que les poutres pourries
d’une amère frustration. Avant que d’allumer un feu plein et élancé qui puisse
écarter les peaux de l’obscurité, il faut s’être muni de bois mort et posséder
une sûre expérience de soi-même. Tous ces êtres dont les mots ne sont que
copeaux de bois vert ! qui font du fracas autour d’eux par peur de n’être
pas assez remarqués. Ce sont gens de la démesure qui ne parviennent pas à
habiter en eux-mêmes.
La
vraie confiance est impassible et n’a rien à prouver. Or il est tant de
donneurs de gages ! Chacun cherche un logis et les plus à plaindre sont
ceux qui vivent dans un logement immatériel dont les murs chimériques sont
prêts à s’évanouir et à disparaître en un clin d’œil. Mais la maison n’est pas
tout, encore faut-il que l’on y puisse vivre. Que de masures aux fondations
éventrées ! La plupart d’entre nous ne faisons, au cours de nos vies,
qu’essayer de consolider difficilement la charpente moisie à l’aide de bric et
de broc. Mais des fondations sûres et inébranlables ne sont pas la seule
garantie : combien de superbes demeures privées de vie ! Même dans
les lieux les plus souverains, il faut sentir l’étoffe rassurante de la
chaleur. Et où la trouver s’il n’est aucune cheminée pour y faire rugir un feu
superbe comme une crinière de lion caressée par le vent ?
C’est
alors qu’il vous faudra creuser en vous-mêmes pour y créer un âtre capable
d’endurer n’importe quelle chaleur. Et plus vous percerez la pierre dans la
confiance de vous-mêmes, plus les parois seront résistantes.
Si
vous parvenez un jour à habiter dans cette puissante maison dont la cheminée
n’attend plus que les agiles flammes, il ne vous restera plus qu’à trouver le
bon combustible. Mais souvenez-vous que le bois vert ne vaut rien à l’envolée
des rouges flammes, ces flamboyants coquelicots aux cœurs de cendres. Alors
vous toucherez votre visage de parchemin sur lequel frémira encore la course
des ans et vous comprendrez que seul le bois mort peut marier son corps au
baiser brûlant du feu. Et, cette pensée tombant en votre esprit comme une
enclume, vous vous éteindrez. Mais les braises rougeoyantes qui resteront de
vous n’auront plus qu’à attendre le souffle qui vous exaucera enfin dans la vie
éternelle. Car vous aurez préparé patiemment le foyer pour accueillir l’étreinte du feu vivant.
© Thibault Marconnet
28/06/2010
C'est bon lire ça. Ça met du feu dans la cheminée comme le chante si bien Jean-Pierre Ferland. Magnifique poète de chez nous.
RépondreSupprimerJe reviens chez nous
Il a neigé à Port-au-Prince
Il pleut encore à Chamonix
On traverse à gué la Garonne
Le ciel est plein bleu à Paris
Ma mie l´hiver est à l´envers
Ne t´en retourne pas dehors
Le monde est en chamaille
On gèle au sud, on sue au nord
Fais du feu dans la cheminée
Je reviens chez nous
S´il fait du soleil à Paris
Il en fait partout
La Seine a repris ses vingt berges
Malgré les lourdes giboulées
Si j´ai du frimas sur les lèvres
C´est que je veille à ses côtés
Ma mie j´ai le cœur à l´envers
Le temps ravive le cerfeuil
Je ne veux pas être tout seul
Quand l´hiver tournera de l´œil
Fais du feu dans la cheminée
Je reviens chez nous
S´il fait du soleil à Paris
Il en fait partout
Je rapporte avec mes bagages
Un goût qui m´était étranger
Moitié dompté, moitié sauvage
C´est l´amour de mon potager
Fais du feu dans la cheminée
Je reviens chez nous
S´il fait du soleil à Paris
Il en fait partout
Fais du feu dans la cheminée
Je rentre chez moi
Et si l´hiver est trop buté
On hibernera
C' est un très beau texte, j' aime bien transformer ma maison en " auberge de jeunesse à la bonne étoile", ça va, je te pardonne d' avoir comparé Dieu à un clodo ivrogne :)
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