mercredi 5 mars 2014

Ballons (Sylvia Plath)

James Abbott McNeill Whistler, Nocturne in Black and Gold : The Falling Rocket, 1875


Ils vivent chez nous depuis Noël,
Limpides, candides,
Ovales en leur âme animale,
Ils occupent la moitié de l’espace,
Mouvants, se frottent contre la soie

D’invisibles courants d’air,
Poussent un cri et éclatent
Quand on les attaque, paf, se mettent au repos.
Tête de chat jaune et poisson bleu –
Nous vivons avec de drôles de lunes

Ça vaut mieux que des meubles morts !
Des murs blancs, des paillassons
Et ces globes de légèreté,
Voyageurs, rouges et verts
Qui ravissent

Le cœur comme des bons vœux, des paons
En liberté dont une plume
Forgée dans le métal céleste
Bénit notre vieille terre.
Ton petit frère

Fait couiner
Son ballon comme un chat.
Est-ce parce qu’il voit
De l’autre côté un monde rose qu’il l’amuserait de manger,
Il mord

Et se rassoit,
Cruche rebondie,
Pour contempler un monde clair comme de l’eau.
Un lambeau rouge
Serré dans son petit poing.


Odilon Redon, Le rêve, 1904



© Sylvia Plath

(in Ariel, p. 98-99)

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