dimanche 2 mars 2014

Dialogue entre Galilée et Dieu

René Magritte, Le Stropiat, 1948


Lors de son décès, il y a plusieurs siècles de cela, Galilée, le célèbre astronome – surnommé par ses intimes “Le Gallinacé céleste” ou “La poule aux étoiles d’or” –, s’apprêtait à “monter au Paradis”.
Or, le Paradis, il n’en avait rien à foutre, lui qui était passé à deux doigts du bûcher pour dénoncer les idées courbes de ceux qui pensent en rond.
Il fut fort surpris de constater qu’il ne s’élevait pas dans les airs. Sans doute un coup de Newton et de sa foutue pomme descendante !
Parce qu’il descendait, contre toute attente.
Il se retrouva dans une sorte d’égout où un clochard l’attendait. Celui-ci, d’une voix chevrotante, prit la parole :
« Galilée, mon pote, t’as pas dix balles ? J’ai fini ma bouteille de gros rouge qui tache. Ah, au fait, prends pas peur, c’est Dieu qui t’parle en personne !
– Quoi ?! Vous, Dieu ?! J’ai quand même pas risqué d’me faire rôtir le derrière pour me r’trouver devant un clodo aviné !
Dieu répondit :
– T’inquiètes pas, j’ai l’air comme ça, mais faut pas croire : j’suis quelqu’un quand même ! Dis, t’as pas du vin d’messe par hasard ? Ici c’est l’prix du péage.
Galilée sentait sa colère monter.
– Non mais dis, espèce de loque ambulante, t’as même pas de quoi t’mettre une robe en or ?! Non mais j’y crois pas ! Tes cardinaux, tes évêques, tes papes, certes, y z’étaient pas des plus aimables mais question palais dorés et tout l’saint frusquin, z’étaient pas les derniers ! Bon, certes, y croyaient qu’le Soleil tournait autour de la Terre comme un gros dragueur blondinet ; n’empêche, y z’ont bien failli me mettre au feu, façon brochette !
– Du calme, mon gros poulet, faut pas t’en faire pour si peu : maintenant t’es cuit d’toute façon ! Allez quoi, t’as pas cent balles ? J’suis sûr qu’tu planques une bonne bouteille ! C’est pas très réglo ça, tu sais !
Galilée fulminait comme le Vésuve en phase d’éruption :
– Bon, sac à vin ! j’veux voir Dieu moi maintenant ! On m’en a assez parlé d’cette attraction comme d’un train fantôme et j’aimerais qu’y m’dise un tas de choses !
– Qu’est-ce tu veux savoir, mon colibri ? Si la Terre est plate, ronde ? Ben elle est carrée, tiens ! De quoi résoudre la quadrature du cercle !
Tu veux savoir si le Soleil drague la Terre ou si c’est l’inverse ? Ben ni l’un ni l’autre, y peuvent pas s’voir et y sont même en instance de divorce !
Tu veux savoir si c’est moi qui t’ai créé ? Ben j’t’avouerai qu’j’m’en rappelle pas : j’étais fin bourré c’jour-là !
Tu veux savoir si Adam a bouffé la pomme ? Y pouvait pas, il était carnivore !
Est-ce qu’Eve est née d’sa côte ? Pas possible ! il aimait qu’les entrecôtes !
Galilée, face à toutes ces dures vérités, eut envie de pleurer.
– Mais Papa, dis, pourquoi t’es si méchant ? Moi qui t’imaginais grand, fort, beau, pétant dans la soie… Tiens ! pour un peu j’en chialerais ! Et toutes mes recherches : du vent !
Dieu lui fit un sourire malicieux et dit :
Non, fiston : du vin ! ça t’a enivré, ça t’a grisé ! Allez ! suis-moi ! on va aller zieuter sous les robes des nonnes et piquer du vin d’messe ! »
Il entraina Galilée avec lui à travers les égouts et ils devinrent les meilleurs potes du monde !

© Thibault Marconnet

28/08/2013

Gargantua en train de compisser allègrement le peuple de Paris - Photographie prise au Musée Rabelais

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