René Magritte, Le Stropiat, 1948 |
Lors de son décès, il
y a plusieurs siècles de cela, Galilée, le célèbre astronome – surnommé par ses
intimes “Le Gallinacé céleste” ou “La poule aux étoiles d’or” –, s’apprêtait à
“monter au Paradis”.
Or, le Paradis, il
n’en avait rien à foutre, lui qui était passé à deux doigts du bûcher pour
dénoncer les idées courbes de ceux qui pensent en rond.
Il fut fort surpris de
constater qu’il ne s’élevait pas dans les airs. Sans doute un coup de Newton et
de sa foutue pomme descendante !
Parce qu’il
descendait, contre toute attente.
Il se retrouva dans
une sorte d’égout où un clochard l’attendait. Celui-ci, d’une voix chevrotante,
prit la parole :
« Galilée, mon
pote, t’as pas dix balles ? J’ai fini ma bouteille de gros rouge qui
tache. Ah, au fait, prends pas peur, c’est Dieu qui t’parle en personne !
– Quoi ?! Vous,
Dieu ?! J’ai quand même pas risqué d’me faire rôtir le derrière pour me r’trouver
devant un clodo aviné !
Dieu répondit :
– T’inquiètes pas,
j’ai l’air comme ça, mais faut pas croire : j’suis quelqu’un quand
même ! Dis, t’as pas du vin d’messe par hasard ? Ici c’est l’prix du
péage.
Galilée sentait sa
colère monter.
– Non mais dis, espèce
de loque ambulante, t’as même pas de quoi t’mettre une robe en or ?! Non
mais j’y crois pas ! Tes cardinaux, tes évêques, tes papes, certes, y
z’étaient pas des plus aimables mais question palais dorés et tout l’saint
frusquin, z’étaient pas les derniers ! Bon, certes, y croyaient qu’le
Soleil tournait autour de la Terre comme un gros dragueur blondinet ;
n’empêche, y z’ont bien failli me mettre au feu, façon brochette !
– Du calme, mon gros
poulet, faut pas t’en faire pour si peu : maintenant t’es cuit d’toute
façon ! Allez quoi, t’as pas cent balles ? J’suis sûr qu’tu planques
une bonne bouteille ! C’est pas très réglo ça, tu sais !
Galilée fulminait
comme le Vésuve en phase d’éruption :
– Bon, sac à
vin ! j’veux voir Dieu moi maintenant ! On m’en a assez parlé d’cette
attraction comme d’un train fantôme et j’aimerais qu’y m’dise un tas de
choses !
– Qu’est-ce tu veux
savoir, mon colibri ? Si la Terre est plate, ronde ? Ben elle est
carrée, tiens ! De quoi résoudre la quadrature du cercle !
Tu veux savoir si le
Soleil drague la Terre ou si c’est l’inverse ? Ben ni l’un ni l’autre, y
peuvent pas s’voir et y sont même en instance de divorce !
Tu veux savoir si
c’est moi qui t’ai créé ? Ben j’t’avouerai qu’j’m’en rappelle pas :
j’étais fin bourré c’jour-là !
Tu veux savoir si Adam
a bouffé la pomme ? Y pouvait pas, il était carnivore !
Est-ce qu’Eve est née
d’sa côte ? Pas possible ! il aimait qu’les entrecôtes !
Galilée, face à toutes
ces dures vérités, eut envie de pleurer.
– Mais Papa, dis,
pourquoi t’es si méchant ? Moi qui t’imaginais grand, fort, beau, pétant
dans la soie… Tiens ! pour un peu j’en chialerais ! Et toutes mes
recherches : du vent !
Dieu lui fit un
sourire malicieux et dit :
Non, fiston : du
vin ! ça t’a enivré, ça t’a grisé ! Allez ! suis-moi ! on
va aller zieuter sous les robes des nonnes et piquer du vin
d’messe ! »
Il entraina Galilée
avec lui à travers les égouts et ils devinrent les meilleurs potes du
monde !
© Thibault Marconnet
28/08/2013
Gargantua en train de compisser allègrement le peuple de Paris - Photographie prise au Musée Rabelais |
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