jeudi 30 janvier 2014

Le secret des mères



Mère et fils de Alexandre Sokourov, est une élégie qui gronde comme l’orage ; cet orage sourd qui court dans le ciel noir comme un bourdon musical du début à la fin du film.

Cette œuvre nous parle d’une traversée. De la toute dernière. C’est l’humaine histoire d’un voyage qui prend fin.

Ce film porte l’écho d’une effrayante question : qu’est-ce qui nous oblige à mourir ?

Comme le dit en somme le fils : nous vivons comme ça, pour rien. Pour mourir, il nous faut une raison.

Mais qui pourra bien nous la donner, cette raison ?

Pour les Romains, les Parques sont les trois sœurs qui président à nos destinées. Elles filent la laine de notre mort. Mais elles n’ont pas l’amour des mères. Leurs mains sont rugueuses et leurs bouches sont sèches.

Vient le moment où la dernière des trois sœurs prend un couteau dans sa main osseuse et déchire le fil qui reliait le fils à sa mère ainsi qu’on coupe un cordon ombilical.

Et c’est une traversée solitaire qui nous attend.

En naissant, le monde tout entier ne nous apparaît pas plus vaste que le corps de notre mère. Et cela nous suffit amplement.

Nous ne connaissons que cette autre chair qui nous a porté dans son ventre, à laquelle nous fûmes étroitement unis, serrés comme deux mains en prière.   

Nos mères nous accouchent dans les larmes pour nous offrir à la lumière du jour, fragiles petites hosties de chair que nous sommes.

En mourant, nos mères emportent avec elles le secret de la vie.

Chaque mère s’en va dans la terre froide avec ce secret comme une clef rouillée.

Et nous autres fils demeurons seuls devant la porte fermée.

Car notre mère morte emporte avec elle le secret de la vie – et celui de la mort.

Quand viendra le dernier moment pour nous – fils désarmés et plus nus que des nouveaux-nés –, qui donc nous aidera à accoucher de notre mort ?

Qui nous tiendra la main, nous épongera le front avec douceur pour nous aider à sortir de la vie comme nous y sommes entrés ?


© Thibault Marconnet

23/12/2013




Thibault Marconnet, La morte au printemps

4 commentaires:

  1. Nous nous rencontrons dans nos manques. Je répète souvent cette phrase mais elle est d'une si grande vérité. En fait si il n'y avait pas la naissance du premier manque le plus grand qui soit, celle du lait de la mère et de sa chaleur, l'humanité n'existerait tout simplement pas. Ce manque qui nous fait aller vers l'autre, ce vide originel est le moteur de l'existence d'un relationnel. Les gouvernements l'ont comprit depuis l'industrialisation, joue sur les facettes du manque pour créer cette état de dépendance qui créera de bons consommateurs. Enfin... voilà ce que la mère réveille en moi. :)

    P.S.: Je suis impulsive, parfois dyslexique, donc je fais des fautes. J'en suis désolée mais c'est ainsi.

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  2. Ton T est en forme d'autel afin de recueillir le M... intéressant.

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  3. Tu aimes l’expressionnisme allemand? Il y a quelque chose dans les couleurs dans ta morte du printemps. C'est l'un des mouvements qui m'a touché le plus, je crois. Egon Schiele, mon préféré.

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