Ce n’est pas tous les
jours qu’on fait une rencontre importante.
De ces rencontres qui
s’inscrivent en nous comme une marque au fer rouge.
Avant de lire une
anthologie poétique de Georges-Emmanuel Clancier, poète limousin, je puis le
dire : je ne connaissais rien de Pericle Patocchi ; ni du fait qu’il
fut un prodigieux vivant méconnu, et encore moins qu’il était le père d’une
œuvre poétique petite sœur de la foudre.
Depuis, j’ai appris à
connaître ce poète d’origine tessinoise qui fut englouti par la lumière en
1968, happé par une mort qui n’a jamais rien pu contre son verbe.
C’est rare de sentir,
au fil des mots d’un poète, comme un lien fraternel.
Je le constate :
Pericle Patocchi est, pour moi, l’égal d’un frère.
Le lire fut une extase.
Ce frère humain m’a aidé à faucher la nuit à mes pieds comme une moisson de
ténèbres.
Il m’a appris à faire
flamber cette paille noire avec la lumière qui gisait en moi. Cette lumière à
l’état de friche et que je devais rendre à nouveau fertile en enterrant les
cendres du passé pour mieux renaître, pour faire peau neuve.
Sa poésie, recueillie
dans L’Ennui du bonheur et autres poèmes,
contenue comme un peu d’eau au creux d’une paume, possède une langue propre incontestable,
un frémissement singulier.
Chantre de la
disparition, de la si fragile joie et de la fatigue d’exister, sa parole
poétique est un psaume de grâce douloureuse, l’éclat d’une âme passionnée, au
sens premier de ce terme.
Un grand poète, je le
reconnais à sa capacité de transmuer le papier et l’encre des mots en autant de
tessons de chair lumineuse.
Pericle Patocchi place
un cœur blanc au sein des feuilles ; et dès lors la vie tambourine dans le
sein du livre comme la pulsation d’un orage, comme des grains de pluie sur un
cerisier en fleur.
Tout autant fauve que
berger, Patocchi nous lacère par ses mots et nous guide sur les chemins
tortueux du vivre.
Et du “livre” au
“vivre”, il n’y a qu’un pas ; seule une lettre de différence.
La parole de Pericle
Patocchi est une bouche pour nous redonner du souffle, un bâton de pèlerin pour
nous épauler l’âme.
Chez ce poète, il y a
une langue de feu que la nuit ne pourra jamais engloutir.
A présent, je vais laisser
Pericle Patocchi raturer le silence par l’un de ses poèmes intitulé Pure perte :
« Je vous donne
mes yeux
jetez-les à vos
fleurs,
je vous donne ma voix
pour vos chambres
sonores.
Je renais en tombant
de mon haut dans la
mer.
Disparu ! Quel
poisson
se nourrit de mon
cœur ?
Oh, la paix d’être
enfoui
quelque part, sans
connaître
qui je suis où je vis
dans le feu clair de
l’Etre.
Pure perte. Désir
libéré par le chant.
Le passé, l’avenir,
quels beaux vents dans
le vent !
Ces paroles ? C’est
vous
qui les dites, amis.
J’étais moi, je suis
vous
et ma fable est finie. »
© Thibault Marconnet
14/12/2013
Félix Vallotton, La Valse, 1893 |
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