Ossip Mandelstam était
un poète russe du mouvement “acméiste” (dont faisait partie également la grande
Anna Akhmatova).
“Acmé” signifie “apogée”.
Et l’on comprend mieux pourquoi à lire les poèmes de cet ensemble de recueils
que constitue Tristia et autres poèmes.
C’est l’apogée d’une âme qui se délivre, qui s’offre au lecteur capable de lire
en laissant parler son émotion. Il y a de la vie brûlante au sein de ces pages
comme un feu enclos dans le papier.
Ossip Mandelstam a eu
un jour l'idée fatale d'écrire un poème pour ridiculiser Staline. Il fut donc
envoyé dans un goulag où il y mourut. Brutale méthode mais inefficace à tuer
l’œuvre du poète. On n’empêche pas l’herbe fauchée de repousser.
J'aimerais vous
raconter une très belle anecdote qui vous donnera peut-être envie de découvrir
la poésie de Mandelstam.
Peu de temps avant
qu'il ne soit envoyé au goulag, sa femme Nadejda et quelques amis du couple
Mandelstam, ont appris “par cœur” l'intégralité de son œuvre. Tous ses papiers
avaient été au préalable détruits : la bureaucratie soviétique ne méritait
pas de mettre la main sur de tels écrits.
C'est donc dans le cœur
de sa femme et de ses amis que la poésie d'Ossip Mandelstam a pu survivre,
continuer de battre. Ce cœur de poète a été ensuite rendu aux hommes lorsque
les dépositaires se sont chargés de retranscrire son œuvre.
Et si nous avons
aujourd'hui encore, la chance de pouvoir nous plonger dans cette poésie d'une
immense richesse, c'est à ces âmes de scribes fidèles que nous le devons. Et
l'on dit que c'est une chose stupide que de faire apprendre “par cœur” des
textes aux enfants...
Si Nadejda Mandelstam
avait suivie cette voie stérile, c'est une pierre importante qui manquerait à
l'édifice de la beauté. Il n'y a d'ailleurs qu'en français, étrangement, que se
trouve l'expression “apprendre par coeur”. Et bien peu de gens savent en saisir
toute l'importance.
Car le cœur n’est pas
seulement cet organe de vie défini par la science, cette pompe qui irrigue tout
le corps.
Le cœur – n’en
déplaise aux scientistes de bas étage –, est aussi ce qui nous pousse à vivre au-delà
de nous-mêmes.
Je laisse à présent
aux vers d’Ossip Mandelstam le soin de vous ensorceler. Il s’agit ici d’un
poème écrit entre janvier et février de l’an 1937 :
Novembre 1933 (Traducteur : Henri Abril)
Dans ce janvier que faire de
moi-même?
La ville ouverte et folle se
raccroche à nous.
Serais-je ivre de tant de portes qui
se ferment?
J'ai envie de beugler face à tous les
verrous!
Et les grègues de ces aboyeuses
ruelles,
Et les greniers des rues tordues sans
fin,
Et les gouspins venant à tire-d'aile
Se cacher et surgir dans les coins et
recoins!
Je glisse dans les creux, dans
l'ombre aux cent verrues,
Pour aller jusqu'à la pompe gelée,
Je trébuche en mâchant l'air mort et
vermoulu
Tandis que s'éparpillent les freux
enfiévrés
Et à leur suite je m'exclame et crie
soudain
Dans cette glaciale caisse de bois :
« Un lecteur! des conseils! un
médecin!
Sur l'escalier d'épines parlez, parlez-moi! »
© Thibault Marconnet
30/01/2014
Oh! J'adore la Russie que j'ai découvert par les yeux de Nikita Mikhalkov... merci pour cette découverte magique. Quelle touchante histoire de coeur.
RépondreSupprimerAnna 6-18. Il a filmé sa film de 6 à 18 ans en lui posant trois même question chaque année. On y voit tout un pan de l'histoire russe de cette époque. Il a fait ce film caché car il risquait la prison. C'est un homme magnifique et ce film est un bijou. Il y a aussi Urga et Soleil trompeur.
RépondreSupprimer*sa fille* désolée.
RépondreSupprimerSelon Wiki: Anna: 6-18 décrit l'URSS, puis la Russie, de 1980 à 1991, au travers du regard et des impressions d'Anna, la fille du réalisateur, âgée de 6 à 17 ans. Les images familiales ont été en partie tournées clandestinement, avec des chutes de pellicules récupérées par Nikita Mikhalkov1. Le documentaire intègre des images d'archives sur l'URSS et des images d'actualité. La censure, la perestroïka, la glasnost, la fin de l'Empire soviétique, la chute de Mikhaïl Gorbatchev et l'occidentalisation du pays sont évoquées et analysées par le réalisateur2.
RépondreSupprimerJ'ai trouvé le film mais sous-titré en espagnol sur YouTube. Peut-être que la version sous-titré française se trouve à quelque part. Un de mes films préférés.