Dans l’œuvre théâtrale de Paul Claudel, tout est
sensualité : autant de la chair humaine que de la pleine nature.
Mais c’est un plaisir des sens fugitif et souvent
malheureux.
Claudel dit la profonde désunion de l’Homme avec le Sacré
et ce “Paradis Perdu” qui lui blesse la bouche comme un entrelacs de
ronces ; et toute cette peine comme une lourde pluie froide qui pèse à
l’être et se colle à lui comme de la boue.
Paul Claudel chante avec la voix de l’âme cette sensualité
triste qui laboure et fauche le cœur humain et d’où sanglote l’impossible union
ferme et solide entre les êtres – durant cette vie de terre qui est la seule
que nous connaissions.
La joie, chez Paul Claudel, est sœur de lait de la
douleur : comme le grondement du tonnerre et la piqûre de l’épine, elle
effraie et meurtrit par son jaillissement d’eau vive au sein d’une onde morte.
De même que le sol tremble et se dérobe, c’est une joie qui
ébranle.
Parce que la peine est plus étroitement nouée à l’Homme que
ne l’est le lierre au tronc du chêne, la créature humaine se débat violemment,
par sursauts, pour s’arracher à cet étouffement maudit.
“La petite sœur Espérance” dont parle Péguy, bondit par
instants du verbe de Claudel, tel un oiseau léger qui s’envole, libre, hors de
sa cage terrestre.
Tout son théâtre est le double fruit de l’incompréhensible
peine et de l’incommensurable joie qui remuent sans cesse l’âme humaine, depuis
Tête d’Or jusqu’aux œuvres de la
dernière heure : avant le grand “Partage de la nuit”.
© Thibault Marconnet
Salzbourg, le 17
juillet 2013
Miserere, planche N° 43, Nous devons mourir, nous et tout ce qui est nôtre, 1922 par Georges Rouault |
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