dimanche 26 janvier 2014

Le Sacré de la Sensualité chez Paul Claudel



Dans l’œuvre théâtrale de Paul Claudel, tout est sensualité : autant de la chair humaine que de la pleine nature.
Mais c’est un plaisir des sens fugitif et souvent malheureux.

Claudel dit la profonde désunion de l’Homme avec le Sacré et ce “Paradis Perdu” qui lui blesse la bouche comme un entrelacs de ronces ; et toute cette peine comme une lourde pluie froide qui pèse à l’être et se colle à lui comme de la boue.

Paul Claudel chante avec la voix de l’âme cette sensualité triste qui laboure et fauche le cœur humain et d’où sanglote l’impossible union ferme et solide entre les êtres – durant cette vie de terre qui est la seule que nous connaissions.

La joie, chez Paul Claudel, est sœur de lait de la douleur : comme le grondement du tonnerre et la piqûre de l’épine, elle effraie et meurtrit par son jaillissement d’eau vive au sein d’une onde morte.
De même que le sol tremble et se dérobe, c’est une joie qui ébranle.
Parce que la peine est plus étroitement nouée à l’Homme que ne l’est le lierre au tronc du chêne, la créature humaine se débat violemment, par sursauts, pour s’arracher à cet étouffement maudit.

“La petite sœur Espérance” dont parle Péguy, bondit par instants du verbe de Claudel, tel un oiseau léger qui s’envole, libre, hors de sa cage terrestre.

Tout son théâtre est le double fruit de l’incompréhensible peine et de l’incommensurable joie qui remuent sans cesse l’âme humaine, depuis Tête d’Or jusqu’aux œuvres de la dernière heure : avant le grand “Partage de la nuit”.


© Thibault Marconnet

Salzbourg, le 17 juillet 2013


Miserere, planche N° 43, Nous devons mourir, nous et tout ce qui est nôtre, 1922 par Georges Rouault

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