dimanche 1 juin 2014

La joie est un fruit de lumière



Avec l’homme-joie, Christian Bobin continue son chemin de pèlerin du langage, en quête de beauté et de joie.

Ses phrases sont des haltes au bord d’une fontaine, où l’on boit une eau limpide qui nous décrasse l’âme et le corps.

Sa langue a cette force rare que de pouvoir évoquer par des mots, des images poétiques qu’on a le sentiment de pouvoir toucher du bout des doigts.

Par son écriture hautement charnelle, Christian Bobin nous donne à voir l’incarnation des êtres, la présence des choses.

Il nous conduit dans la matière vivante ; il suscite l’épiphanie des corps et fait battre un cœur dans le sein des êtres de papier.

Fabricant de métaphores, il est toujours là où on ne l’attend pas.

Le lire, c’est n’attendre rien. C’est apprendre à s’ouvrir à l’imprévu, au jaillissement impétueux de l’imaginaire.

Au fil des pages, apparaissent des traces noires sur un ciel blanc : c’est le noircissement du papier obtenu grâce aux petites bougies que sont les mots de Christian Bobin.

À chaque lecteur de mettre ses mains en auvent pour que ces flammes légères et graciles ne s’éteignent pas.

D’œuvre en œuvre, Bobin nous invite à voir autrement, avec une plus grande pénétration. Il nous convie à savoir faire de chaque instant une source d’émerveillement.

Sa plume est une baguette de sourcier qui fait naître des havres de verdure dans le désert.

Christian Bobin tranche les ronces de la grisaille quotidienne. Ce faisant, il nous ouvre un passage jusqu’à la clairière où il nous sera donné de respirer plus amplement.

Par son regard lucide, il défait tout manichéisme :

« J’ai pris la main du diable. Sous ses ongles noirs j’ai vu de la lumière. »

Son verbe est une sagaie qui se fiche droit dans le cœur.

Dans son verger poétique, la joie est un fruit, un fruit de lumière.

La joie, c’est comme la beauté : on n’en est jamais désaltéré.


© Thibault Marconnet
07/12/2013


Ici, Christian Bobin nous parle de son livre La grande vie :

Christian Bobin à La Grande Librairie

et là, de L'homme-joie :

Christian Bobin : La Confiance (Les Racines du ciel)


Christian Bobin (Crédit photo : Manuel Braun)


Thibault Marconnet, Le Joyeux, 2012

5 commentaires:

  1. Pour moi, ce livre a quelque chose d’unique en cela qu’il ne fut jamais que le premier offert à une personne qui m’est très chère aujourd’hui. En fait, c’est plutôt elle qui me l’a rendu (et ce titre et l’auteur) cher à ce point. Cette jeune personne d’à peine vingt ans souffre peut-être de surdité, elle n’en demeure pas moins une lectrice hors pair! D’ailleurs, son «entendement» de l’image poétique dépasse de loin celle que nous pourrions avoir de la simple écoute à voix haute ou intérieure d’un poème. Pour une telle individualité, les mots sont moins l’objet d’une métaphorique que de métamorphoses ; parce que agissants, non plus qu’en soi, mais devant soi.

    Sans même l’avoir lu auparavant, je lui ai tendu avec la certitude - sinon la prescience - d’un puits de lumière à l’endroit du recueil de Bobin. C’était comme si un ange m’assurait de sa provenance et, me disant, qu’il ne fallait pas en user avidement, mais en propager la source. Je lui suis reconnaissant dans l’invisible pour cet acte de foi, sachant tout le chemin que «L’Homme-Joie» a frayé dans le coeur de mon amie. Étant elle aussi épris de peintures, comme vous l’êtes mon cher Thibault, je ne douterais pas de son appréciation... de votre plus que joyeuse peinture!

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    1. Mon cher Jessy,
      J'aime quand vous me faites part de tels moments de vie. Un "puits de lumière" : tel est bien le mot qui caractériserait le mieux cet ouvrage. Christian Bobin est un écrivain d'une rare humilité et tout est image chez lui : c'est une merveilleuse fenêtre ouverte sur l'apparente "banalité" du quotidien. Et c'est un immense plaisir que de l'entendre également : sa voix est douce comme le filet d'un ruisseau où reposent des galets. C'est un beau présent que vous fîtes à votre amie. Avez-vous déjà lu "Le Très-Bas" ? C'est un livre qui m'a mangé l'âme... Je vous invite à regarder ce moment télévisuel (les interventions des autres auteurs semblent bien fades à côté) :

      http://www.dailymotion.com/video/x1cc15u_christian-bobin-et-la-grande-vie_webcam

      Que cette journée vous soit lumineuse, cher compagnon et ami !

      Votre Thibault.

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  2. Salut Thibault,

    Alors, je n’ai toujours pas lu «Le Très-Bas». En tout cas, pas avec l’attention qu’il méritait. Vous me rappelez à ce manquement. Vous et la statue de François d’Assise, avec ses magnifiques toiles d’araignées, qui me saluent lors de mes rares promenades.

    Je me délecte aussi de ses «apparitions» télévisuelles, autant que radiophoniques. Il n'est pas une fois où je ne me suis dit: «Mais continuez, par pitié, continuez, même si l'on dépasse le temps d'antenne!» Il faudrait presque lui en garder précieusement, ne serait-ce que cinq minutes à l'avance, sur la totalité des autres émissions de la semaine. Peut-être n' aura-t-on jamais plus la chance de l'entendre de cette façon dans le futur. Car plus le poète se fera vieux et plus ses paroles nous viendront de l’enfance, et moins on leur accordera d’importance.

    Bobin semble nous dire - partant expressément de ce besoin essentiel - que l’essentiel finira toujours par nous rattraper. Il n'est donc pas ce prophète du «presque rien» qu'on voudrait faire de lui, mais homme simplement et, c'est déjà beaucoup de l'être aujourd'hui. Pour moi, il serait un peu comme cette sage-femme avec ses pratiques ancestrales et qu'on croyait perdues; nous accompagnant à l'accouchement de notre temps.

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    1. Salut Jessy,

      Bobin a des mots qui vous arrachent le coeur pour vous le rendre "guéri", quelques lignes plus loin...

      "Le Très-Bas" : je ne saurais même pas dire toute l'émotion, toute la beauté que j'ai pu puiser au fond de cette mine d'or... Ce livre est un phare pour moi ou, plus modestement, une bougie au coin d'une fenêtre, par soir de grand vent.

      Combien de fois j'ai pu éprouver un sentiment similaire au vôtre : "Mais laissez-le parler, par pitié !" Le plus triste est que ceux qui s'entretiennent avec lui, la plupart du temps, ne cessent de lui couper la parole, ne semblent pas prendre la pleine mesure d'une langue aussi incarnée.

      Il me semble, à chaque fois, voir flotter ses mots dans l'air ainsi que des oiseaux bien vivants. Une telle parole est une source dans le désert pour tous les assoiffés de beauté ; c'est une parole qui, par son profond accent de vérité, vous reverdit l'âme tout entière. C'est pour moi une joie de savoir qu'il existe, en cette époque, un frère humain tel que lui.

      Merci pour vos mots, mon cher compagnon de route ; pour cet habit de lumière dont vous revêtez chacune de vos paroles.

      Votre Thibault.

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  3. En effet, Jimmy, des univers pour le moins éloignés. Mon rapport avec Borges est un peu particulier. Je n'ai lu que deux livres de lui : "Le rapport de Brodie" et, il y a très peu de temps, "L'Aleph". Je dois avouer que j'ai beaucoup de mal à rentrer dans ses histoires ; je trouve qu'il y a quelque chose par moments de presque trop cérébral, comment dire... cela manque de chair à mon goût - et de feu aussi. Certes, son érudition est impressionnante mais presque trop écrasante pour moi et me privant, en quelque sorte, d'un réel plaisir de lecture. Mais je n'abandonne pas pour autant. On m'a chaudement conseillé la lecture de son livre "Enquêtes". Pour le moment, je suis dans une lecture qui s'annonce remuante : "Guerre & Guerre" de l'écrivain hongrois, Laszlo Krasznahorkai.

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