samedi 31 mai 2014

La mystique travestie en mystification

Honoré Daumier, "Avis aux amateurs", 1871


« Tout commence en mystique et finit en politique. »
Charles Péguy (in Notre jeunesse)


Marine Le Pen agite des mots qui sonnent creux dans sa bouche : Famille, Peuple, Patrie, etc. Ces termes tintent cependant dans la sébile des aveugles qui ont l’imbécillité de l’admirer ; des gens qui ne voient que de la fumée là où il faudrait prendre la pleine mesure de l’incendie.

Ces mots ont été vidés de leur substance et ce n’est pas la misérable bluette de Marine Le Pen qui leur redonnera un second souffle. Ces mots eurent un sens autrefois, furent une seconde peau pour le peuple français. Et ces mêmes mots qui étaient vivants dans les poitrines de chacun, c'est le journalisme qui les évide ; les anciens avocats également (suivez mon regard). La politique sophistique, populacière et putassière de Marine Le Pen, consiste à jeter de la poudre aux yeux, ainsi que le font ses petits camarades de bords opposés.

La mascarade du suffrage universel est de plus en plus criante. Au risque de schématiser quelque peu : la Ve République est quasiment une monarchie qui ne dit pas son nom et Marine Le Pen ne se départit pas vraiment non plus de cette conception. Elle se gargarise de mots qu'elle n'incarne pas : "C'est du sucre, c'est comme une cerise qu'on suce au moment que l'on va cracher le noyau !", pour évoquer le grand Claudel. De Gaulle, d'où part la Ve République, était maurrassien et royaliste, ce qui n'est pas nécessairement une tare (loin de moi cette idée). Mais, ce qu'on eût pu souhaiter, c'est davantage de franchise – ou l'institution d'une monarchie constitutionnelle en ce cas. Ceci dit, Charles de Gaulle savait pertinemment qu'il ne serait pas élu s'il adoptait une telle position.

Il serait bon de cesser de fermer les yeux et de proclamer enfin que la démocratie française n'en est pas une (au sens exact de ce mot) et d'oser dire que "le roi est nu". Et qu'on nous débarrasse de cette politique qui a pris l'allure d'un vain bavardage. En la matière, le modèle semi-démocratique de la Suisse me paraît une alternative souhaitable – à condition bien sûr de ne pas tomber dans les divers écueils de la démagogie la plus crasse qui ne sont là que pour orienter les votes du troupeau dans tel ou tel sens : là où souffle le vent froid des intérêts financiers et des nationalismes les plus autarciques.

Quant à Marine Le Pen, l’histoire ne retiendra d’elle que son abyssale médiocrité. Si nos gouvernants – qui font surtout preuve d'une lâcheté et d'une poltronnerie sans égales –, avaient un tant soi peu de conscience politique, de vertu (au sens étymologique de “virtus”, qui désigne “la force virile”), un tel parti antirépublicain serait tout simplement banni ad vitam aeternam de l'échiquier politique. Mais les “rois”, les lions de l’ancienne politique qui était encore digne de ce nom (Clemenceau, Jaurès, Mendès France, De Gaulle, etc.) ont depuis longtemps quitté le navire. Et les vains petits pions qui s’agitent dès lors en tous sens voudraient nous faire croire dans leur aveugle bêtise que notre pays n'est pas déjà en position d’échec et mat. Décidément, la veulerie a de beaux jours devant elle...



© Thibault Marconnet
31/05/2014

1 commentaire:

  1. Oui, chère Chris, ils en ont sans doute conscience mais jusqu'à quel point...
    Ce qui me répugne par-dessus tout, c'est cette montée des fanatismes, de quelque orientation qu'ils soient : religieux, politiques, racistes, etc...
    Mais je ne baisse pas les bras pour autant. Je pense qu'un sursaut salutaire est encore à venir. Nul ne peut dire quand ni comment il se fera. Et peut-être entraînera-t-il pas mal de dégâts... Une guerre civile est peut-être ce qui nous pend au nez et il n'est rien de pire qu'une telle forme de conflit. Car alors, la guerre terminée, comment réconcilier les anciens ennemis d'un même pays. Je me réconforte en ayant à l'esprit que rien ne dure en ce bas-monde.

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