Honoré Daumier, "Avis aux amateurs", 1871 |
« Tout
commence en mystique et finit en politique. »
Charles Péguy (in Notre jeunesse)
Marine Le Pen agite des mots qui sonnent creux dans sa
bouche : Famille, Peuple, Patrie, etc. Ces termes tintent cependant dans la
sébile des aveugles qui ont l’imbécillité de l’admirer ; des gens qui ne
voient que de la fumée là où il faudrait prendre la pleine mesure de l’incendie.
Ces mots ont été vidés de leur substance et ce n’est pas la
misérable bluette de Marine Le Pen qui leur redonnera un second souffle. Ces
mots eurent un sens autrefois, furent une seconde peau pour le peuple français.
Et ces mêmes mots qui étaient vivants dans les poitrines de chacun, c'est le
journalisme qui les évide ; les anciens avocats également (suivez mon regard).
La politique sophistique, populacière et putassière de Marine Le Pen, consiste
à jeter de la poudre aux yeux, ainsi que le font ses petits camarades de bords
opposés.
La mascarade du suffrage universel est de plus en plus
criante. Au risque de schématiser quelque peu : la Ve République est quasiment une
monarchie qui ne dit pas son nom et Marine Le Pen ne se départit pas vraiment
non plus de cette conception. Elle se gargarise de mots qu'elle n'incarne
pas : "C'est du sucre, c'est comme une cerise qu'on suce au moment
que l'on va cracher le noyau !", pour évoquer le grand Claudel. De Gaulle,
d'où part la Ve République, était maurrassien et royaliste, ce qui n'est pas
nécessairement une tare (loin de moi cette idée). Mais, ce qu'on eût pu
souhaiter, c'est davantage de franchise – ou l'institution d'une monarchie
constitutionnelle en ce cas. Ceci dit, Charles de Gaulle savait pertinemment
qu'il ne serait pas élu s'il adoptait une telle position.
Il serait bon de cesser de fermer les yeux et de proclamer
enfin que la démocratie française
n'en est pas une (au sens exact de ce mot) et d'oser dire que "le roi est
nu". Et qu'on nous débarrasse de cette politique qui a pris l'allure d'un
vain bavardage. En la matière, le modèle semi-démocratique de la Suisse me
paraît une alternative souhaitable – à condition bien sûr de ne pas tomber dans
les divers écueils de la démagogie la plus crasse qui ne sont là que pour
orienter les votes du troupeau dans tel ou tel sens : là où souffle le
vent froid des intérêts financiers et des nationalismes les plus autarciques.
Quant à Marine Le Pen, l’histoire ne retiendra d’elle que
son abyssale médiocrité. Si nos gouvernants – qui font surtout preuve d'une lâcheté
et d'une poltronnerie sans égales –, avaient un tant soi peu de conscience
politique, de vertu (au sens étymologique
de “virtus”, qui désigne “la force virile”), un tel parti antirépublicain
serait tout simplement banni ad vitam
aeternam de l'échiquier politique. Mais les “rois”, les lions de l’ancienne
politique qui était encore digne de ce nom (Clemenceau, Jaurès, Mendès France, De Gaulle,
etc.) ont depuis longtemps quitté le navire. Et les vains petits pions qui
s’agitent dès lors en tous sens voudraient nous faire croire dans leur aveugle bêtise que
notre pays n'est pas déjà en position d’échec et mat. Décidément, la veulerie a de
beaux jours devant elle...
© Thibault Marconnet
31/05/2014
Oui, chère Chris, ils en ont sans doute conscience mais jusqu'à quel point...
RépondreSupprimerCe qui me répugne par-dessus tout, c'est cette montée des fanatismes, de quelque orientation qu'ils soient : religieux, politiques, racistes, etc...
Mais je ne baisse pas les bras pour autant. Je pense qu'un sursaut salutaire est encore à venir. Nul ne peut dire quand ni comment il se fera. Et peut-être entraînera-t-il pas mal de dégâts... Une guerre civile est peut-être ce qui nous pend au nez et il n'est rien de pire qu'une telle forme de conflit. Car alors, la guerre terminée, comment réconcilier les anciens ennemis d'un même pays. Je me réconforte en ayant à l'esprit que rien ne dure en ce bas-monde.