Anselm Kiefer, "Für Paul Celan: Rutengänger" (For Paul Celan: Diviner), 2005-2007 |
Méditation sur
la fin de Paul Celan
Sans qu'ils parlent, lapidé par leurs pensées
Encore un jour de moindre niveau. Gestes sans ombres
À quel siècle faut-il se pencher pour s'apercevoir ?
Fougères, fougères, on dirait des soupirs, partout, des
soupirs
Le vent éparpille les feuilles détachées
Force des brancards, il y a dix-huit cent mille ans on
naissait
déjà pour pourrir, pour périr, pour souffrir
Ce jour, on en a déjà eu de pareils
quantité de pareils
jour où le vent s'engouffre
jour aux pensées insoutenables
Je vois les hommes immobiles
couchés dans les chalands
Partir.
De toute façon partir.
Le long couteau du flot de l'eau arrêtera la parole.
© Henri Michaux
(in Moments, traversées du temps)
Anselm Kiefer, Melancholia, 2004 |
Ma traduction du poème de Machado, je suppose que tu es germaniste, j' aime beaucoup Goethe ....
RépondreSupprimerEncore une fois pendant la nuit.C’ est ce petit marteau de fievre
Sur les tempes bandées de linges humides.
-ô maman, ce perroquet d’ or !
Ces papillons noirs et dorés !
-Dors mon enfant-Et la petite main serre
La mère, près du lit.ô fleur de feu !
Pourquoi devoir blesser fleur de sang, dis !
Dans cette humble alcôve règne un parfum de lavande ;
Au loin , la lune bien ronde blanchit
Le clocher et la tour en cette ville assombrie.
Un avion invisible bourdonne.
-Dors-tu douce fleur de mon sang ?
Les verroteries de la terrasse vibrent à peine.
Oh tout est froid, froid, si froid !
Ta traduction est saisissante, Isabelle... Je pense qu'il n'est rien de plus difficile que de traduire de la poésie, car alors, il faut presque entrer pour ainsi dire dans la peau du poète, dans son esprit - afin d'en rendre au mieux le sens, la musique.
SupprimerMerci pour ce très beau partage. Je vais m'empresser de me procurer des poèmes de Machado !
À mon grand dam, je ne suis pas germaniste non plus. Ma mère est allemande mais elle n'a jamais essayé de m'apprendre cette langue que je trouve pourtant fort belle. Alors je me résigne à lire des auteurs germanophones dans des traductions françaises. Qui sait, peut-être un jour aurais-je la volonté d'apprendre l'allemand.
À mon (humble) avis la dernière phrase de ce poème est en trop. Elle est d'une lourdeur mammouthesque !!!!
RépondreSupprimerCher Keith,
SupprimerEn poésie, on appelle cela "un vers". Personnellement, je le trouve très fort.
Pour faire court, il me faut expliquer un tant soi peu les circonstances de ce poème d'Henri Michaux. Paul Celan, grand poète roumain et juif de langue allemande dont toute la famille a péri durant la Shoah, se jeta dans la Seine par une nuit d'avril 1970 où il mourut noyé...
D'où ce "long couteau du flot de l'eau" qui "arrêtera la parole".
Mais, ceci dit, Keith, tu as parfaitement le droit de trouver ce vers un peu trop "lourd". J'ai eu un peu cette sensation à la première lecture (si j'ai bonne mémoire).