lundi 20 octobre 2014

Ulan Bator - Végétale [1997]



Ulan Bator n’est pas seulement le nom de la lointaine capitale mongole. C’est aussi un groupe parisien aux riches aventures sonores, fondé en 1993. Végétale est une volée de bois vert qui nous cingle le visage. Il faudra être « paré pour la douleur » ainsi que nous en avertit le chanteur dès Lumière Blanche. Une jungle luxuriante nous attend. Des tigres guettent, à l’abri des feuillages. Les riffs grognent, le chanteur crache ses mots ainsi que des ronces et la batterie se montre implacable. 

Végétale fait penser à des enfants sauvages qui viendraient saccager un jardin à la française pour nous ramener dans la fiévreuse forêt des origines. C’est une chaleur tropicale, moite et étouffante qui nous saisit à la gorge. Rien n’est lisse ni propret dans la musique d’Ulan Bator : on sent les herbes suinter un alcool vert sous les doigts blancs du soleil et les plantes carnivores salivent à l’idée de nous engloutir. Ces gars-là ne font pas dans la dentelle et ne sont pas marchands de sommeil pour deux sous, vous pouvez m’en croire. Dans leur univers, le chaos est roi – un chaos maîtrisé, cela va de soi. 

Tel un Petit Poucet égaré, une fois dans ces bois vous ne retrouverez plus votre chemin. Une lourde sève, épaisse et poisseuse semble dégouliner du ciel ainsi qu’une pluie rousse. Vénéneux, brûlant et inspiré, cet album n’est pas sans m’évoquer l’atmosphère du terrible roman fantastique de Michel Bernanos : La Montagne morte de la vie. Pour vous en faire un très court résumé, après un violent naufrage dont ils sont les seuls survivants, deux marins échouent sur une île désertée par toute forme de vie humaine. D’amères découvertes les attendent : la nature n’est pas cette bonne mère aimante que certains prétendent glorifier. Cette louve n’a que faire de nous donner à téter son sein féroce. Quand elle a choisi de reprendre ses droits, son verdict est impitoyable. Funambules au-dessus des gouffres, nous cheminons jusqu’au sommet de la montagne. Au fond du cratère, un œil fixe nous regarde et la minéralité s’infiltre dans nos veines. Et tant pis pour ceux qui n’auront pas su fuir à temps de cette île où la mort rôde derrière l’ombre de chaque feuillage. 

Dans la grisaille parisienne, entre deux méphitiques fumées de pots d’échappement, Ulan Bator se fait un rail de chlorophylle afin de pouvoir mieux respirer. Poudre végétale, suc capiteux et colérique, cet album a le don d’enserrer son auditeur dans la profusion de ses lianes électriques. Quand l’oxygène viendra à manquer pour de bon sur ce vieux globe vert et bleu, il ne nous restera plus qu’à nous pendre au ciel – en espérant que celui-ci veuille bien nous accueillir.

Tracklist :

01 - Lumière Blanche
02 - Céphalopode
03 - Pekisch Organ
04 - Fièvre Hectique
05 - Hart
06 - Fuite
07 - Embarquement






© Thibault Marconnet
le 06 juin 2014


Ulan Bator

2 commentaires:

  1. Salut Chris, en effet, leur musique est sacrément abrasive : avec eux, nous sommes loin du champêtre et du bucolique. Leur sève "végétale" est plus acide qu'un citron pressé. Voilà une liqueur de plantes que je bois avec une grande modération : à côté, la Chartreuse, c'est du petit lait ! Si cela t'intéresse, je peux te passer leur album, soit par Dropbox soit par Zippyshare (comme tu préfères). Merci beaucoup pour ton commentaire !

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  2. Je t'en prie, Chris. Je viens d'envoyer le lien du fichier en direction de ta Dropbox. Pourras-tu me dire si tu l'as bien reçu ? Je ne connais pas du tout leurs autres albums et je serai intéressé de les découvrir si tu en as certains à me proposer. Belle et douce soirée à toi.

    Amicalement,

    Thibault

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