Le temps de l'enfance |
Quand la coupe de l’amertume déborde, il est bon parfois d’en épancher une partie. Dans ce même mouvement, s’arrêter un instant sur soi pour tenter de s’accueillir, prendre en compassion l’enfant que l’on fût et dont le souvenir se perd dans la nuit de la mémoire, parmi les limbes du passé. L’enfant n’a que ses yeux brûlants pour dévisager un monde qui le blesse. Contrairement à ce que l’on peut penser, l’adulte ne possède guère plus que ces deux yeux rouges et tout suintants de sel. Il est seulement plus habile pour dissimuler sa détresse ou sa douleur, pour l’enfouir dans les profondeurs de son être comme on crie sourdement avec le poing fermé dans la bouche - par peur d'être entendu. L’enfant n’est pas si prévoyant, sa douleur éclate au grand jour sans honte ni remords. L’adulte a beau renier l’enfant qu’il a été, celui-ci sanglote convulsivement au creux de son âme. L’enfant que nous fûmes ne mendie qu’un peu d’amour. Ne le lui refusons pas plus longtemps. Aimons-le comme il nous aime secrètement.
Thibault Marconnet
© 2007
Très jolie réflexion une fois encore.
RépondreSupprimerC'est amusant, quand j'étais enfant, l'adulte que j'allais devenir m'intéressait beaucoup, et il m'importait beaucoup de ne pas décevoir celui que je pourrai être, et à la fois que cet adulte, rétrospectivement, ne déçoive pas l'enfant que j'étais alors.
Aujourd'hui, je n'en ai plus grand chose à faire. Je suis un peu comme cet ancien élève de CM2 qui voulait être aimé par les 6èmes mais qui, suite à son propre passage en 6ème n'a que de cesse d'être bien vu par les 3èmes.
Je crois que je suis plus intéressé par les individus plus âgés que moi, par le futur.
Ton message a donc l'intérêt de me faire me poser quelques secondes sur l'enfant que j'étais : sans doute a-t-il fait les choix qui me permettent de survivre au mieux dans cette société mal habile, et rien que pour ça, je ne peux que l'en remercier.
Merci pour ton beau commentaire, El Norton. Ton propos rejoint ici des phrases sublimes que Georges Bernanos écrivait dans son livre "Les Enfants humiliés" :
Supprimer« J’ignore pour qui j’écris, mais je sais pourquoi j’écris. J’écris pour me justifier. – Aux yeux de qui ? – Je vous l’ai déjà dit, je brave le ridicule de vous le redire. Aux yeux de l’enfant que je fus. Qu’il ait cessé de me parler ou non, qu’importe, je ne conviendrai jamais de son silence, je lui répondrai toujours. Je veux bien lui apprendre à souffrir, je ne le détournerai pas de souffrir, j’aime mieux le voir révolté que déçu, car la révolte n’est le plus souvent qu’un passage, au lieu que la déception n’appartient déjà plus à ce monde, elle est pleine et dense comme l’enfer. » Georges Bernanos (in "Les Enfants humiliés", p. 164)