mercredi 15 octobre 2014

Lou Reed : Lecture Publique au CentQuatre à Paris [2008]






« Je ne suis pas une rock and roll star, je suis un écrivain qui écrit et produit ses propres trucs. » Le 20 octobre 2008, Lou Reed a fait une lecture publique au CentQuatre à Paris. Pas n’importe quelle lecture : ce sont les textes de certaines de ses chansons qu’il déclame avec une émotion presque palpable, ceux de la radio Lou, fréquence qu’il était le seul à pouvoir capter ; sa radio intime en quelque sorte, son labyrinthe de paroles, d’images toutes plus poignantes les unes que les autres. 

C’était à l’occasion de la parution d’un livre aux éditions du Seuil, intitulé Traverser le feu, ouvrage qui rassemble l’intégrale des textes de ses chansons. France Culture a eu la très bonne idée de retransmettre sur ses ondes cet enregistrement unique où la voix du vieux rocker s’avance, nue, sans guitare, portant en bandoulière le feu de ses mots. La traduction française arrive ensuite, relayée par la voix de Caroline Ducey. Puis, quelques chansons viennent émailler le fil de la lecture. Ainsi lus sans musique, les textes de ses chansons prennent une tout autre texture : les images se font plus présentes, plus persistantes. Elles se gravent dans notre esprit comme une marque au fer rouge. Et que dire de cette voix qui a tant vécu, cette voix d’homme – sans doute au fond si proche de l’enfant qu’il fut –, qui nous fait le don unique de son témoignage artistique, de sa parole créatrice ; cette parole qui s’offre à nous comme une embrassade fraternelle… 

Lou Reed a hissé la grand-voile et navigue sur le fleuve de sa mémoire. C’est cinq ans plus tard, presque jour pour jour, qu’il ôtera le masque bleu de son visage pour regarder Charon droit dans les yeux. En sa compagnie, il se peut qu’il soit allé traverser le Styx pour ensuite laver son corps et son âme dans les eaux bienfaisantes de l’oubli – dans le miroir du Léthé. Sa propre traversée du feu, il devait l’accomplir seul – laissant ses frères humains derrière lui se débrouiller comme ils le peuvent. Entendre cette voix nue nous lire les mots d'une vie entière, c'est beau comme l'éclair qui fendille l'eau noire du ciel avec son harpon de lumière. 


© Thibault Marconnet
le 09 avril 2014


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