Félix Vallotton, Félix Fénéon éditant La Revue Blanche, 1896 |
Dans le rapport que j’entretiens avec les êtres qui m’entourent, la discussion qui nous lie par moments est un moyen salutaire pour nuancer ma pensée ; faire ainsi retomber la fièvre première, l’ardeur lyrique de l’émotion partiale et péremptoire, les certitudes satisfaites qui peuvent m’habiter en premier lieu. Cependant, la parole qui passe entre les êtres est toujours bancale, saturée d’affects. L’écriture seule permet d’établir des remblais à l’émotion, d’étayer la pensée, de la préciser de la manière la plus sûre qui soit. Mais il ne peut y avoir d’écriture sans parole préalable. Si je peux écrire, c’est parce que je me suis nourri, me suis chargé de tous ces mots sensibles lancés dans l’éther. Les termes d’un échange entre deux personnes ne sont à la rigueur même plus là pour expliquer, pour démontrer ou signifier quelque chose : ils agissent plutôt comme des tensions, des torsions et des délivrances passant par le langage. Ils déchargent le corps d’un poids trop lourd. Les mots du langage oral existent peut-être afin que l’homme puisse, dans le silence retrouvé de son âme, ou bien se taire – à la manière du mystique –, ou bien écrire parce que le silence seul ne peut lui convenir.
© Thibault
Marconnet
2007
J'élargirais même ta dernière phrase à l'ensemble des arts. L'homme s'exprimerait donc parce qu'il n'a pas le choix, qu'il a des poids sur la conscience (la sienne ou celle qu'il porte au nom de la collectivité sous forme de dette) qu'il ne peut conserver en son sein. C'est une hypothèse qui me plaît assez, et en laquelle, si je la trouve peut-être un peu simpliste, je crois en l'essence. On voit en effet bien les dommages qu'occasionnent la rétention d'événements troublants chez certaines personnes ayant vécu des traumatismes.
RépondreSupprimerLa seule mise en mots, objectif ô combien difficile à atteindre, est alors une des clés pour "aller mieux" (encore fait-il s'être autorisé à aller mieux, mais c'est un autre débat).