mercredi 1 octobre 2014

Le mystère est ce qui fait vivre


Odilon Redon, Mystère


Dès lors qu’un être doté d’une extrême sensibilité est considéré comme “malade” par la société qui est la sienne, alors le monde déshumanisant et insensible à l’excès qui est devenu le nôtre, est décidément bien le plus malade qui soit. Quand l’homme plein de douleur est traité comme un inférieur, alors la société qui ainsi le condamne, n’a véritablement plus rien de supérieur. Comme il est dit que “le riche doit être le serviteur du pauvre”, alors c’est à l’homme sain qu’il incombe d’épauler celui qui souffre. Sinon, rien ne pourra jamais être sauf de ce qu’il en est de l’âme humaine.

Écrire est façon de sortir de soi quand on étouffe. Les mots qu’on trace sur le papier avec le sang de son cœur, sont des fruits de renaissances, des floraisons nouvelles. L’écriture est un exutoire, une porte ouverte sur le plein mystère qui aveugle dès lors qu’on croit le deviner. Et notre société, parce qu’elle croit voir et savoir n’aime pas beaucoup le mystère, on s’en doute. Or, à ce que je crois, l’homme vit essentiellement du mystère. De grâce, n’écoutez jamais ceux qui vous diront le contraire. Car, plus que jamais, le poète est là pour dire bien haut ce que d’autres voudraient taire.
 

© Thibault Marconnet
1er octobre 2014


Odilon Redon, Panneau rouge, 1905

2 commentaires:

  1. Le poète, et même l'artiste en général, est effectivement là pour rendre possible l'existence et le maintien du mystère par opposition à l'hyper-contrôle qu'effectue la société.
    Bon motif de réflexion en tout cas.

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    1. Merci pour ton commentaire, El Norton. Et dans l'écriture, ce qui était réflexion prend enfin corps et devient acte. Notre société est malade mais l'ignore et elle s'entretient "joyeusement" dans cette ignorance. Les publicitaires font ça très bien : tout est injonction et appel à une fête perpétuelle (qui n'a plus aucun sens). "Fêtons la fête !" Tiens, j'ai à te proposer une phrase percutante de Georges Bernanos, issue (d'après mon souvenir) de "La France contre les Robots" :

      « Je crois aussi ce monde désespéré, mais il regorge d’optimisme. Et le mot regorger est bien ici celui qu’il faut, car la propagande officieuse et officielle l’en gorge, elle l’en gave comme on gave une oie de Noël. S’il est vrai que l’opération du gavage des oies est dégoûtante à regarder, les éleveurs d’oie n’ont du moins pas la cruauté de gaver les oies malades… Gaver d’optimisme un monde désespéré est une besogne vraiment peu honorable pour personne. » Georges Bernanos

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