Le
poète hongrois Sándor Petőfi connut une vie aussi
courte que tumultueuse. Né en 1823, c’est en 1849 à l’âge de 26 ans seulement,
que la camarde vint le faucher en plein combat contre les Russes. On peut dire,
à la lecture de ces poèmes brûlants, que son existence tout entière fut pour
ainsi dire marquée au fer rouge. Souvent empreints de stoïcisme, le calme ne
règne pas pour autant dans ses vers et l’incendie qui couve en leur sein
noir a tôt fait de tout dévorer de sa langue de feu. Le grand philosophe-poète Friedrich
Nietzsche ne s’est d’ailleurs pas trompé dans son amour, puisque Petőfi imprima durablement en sa chair sensible les
crocs de sa mordante ironie.
Une
angoisse métaphysique parcourt le recueil Nuages,
ainsi qu’un vol de corbeaux croassant dans le gouffre bleu du ciel. Chaque mot,
chaque vers est une hache qui fend le bois mort des cœurs desséchés. La poésie
de Petőfi est une volée de plomb : bien ancré dans
la terre noire de sa Hongrie natale, il tire à vue sur tout ce qui le
tourmente, la misère du réel, l’antédiluvienne barbarie de l’homme, le vide du
ciel, l’amour fugace, l’amitié souvent déçue, la mesquinerie des sentiments, la
fumée des rêves, le ronronnement des consciences endormies.
Dans
ce cœur de jeune adulte grondait un orage qui ne s’est pas éteint : chaque
lecteur peut encore en percevoir l’écho, le rauque roulis de pierres à travers
les âges.
Voici
à présent quelques courts poèmes aux accents de tonnerre, aux paraphes de
foudre (le traducteur, Guillaume Métayer, s’est attaché à rendre autant que
faire se peut la musicalité ainsi que l’éclat adamantins des poèmes de Petőfi) :
« Tes
yeux sont, mignonne,
Sombres,
oh tellement,
Pourtant
ils rayonnent ;
Surtout
quand
Tu
les poses sur moi,
Alors
ils chatoient
Comme
au feu de l’éclair
De
la nuit en colère,
Le
glaive du bourreau ! »
(in
Nuages, p. 52)
« Le
chagrin ? Un vaste océan
Et
la joie ?
Sa
menue perle, qu’en remontant,
Il
est possible que je broie. »
(in
Nuages, p. 54)
« Je
prenais mes amis dans mes bras…
Ils
pressaient mon cœur contre leur cœur ;
Dans
mon âme, quel n’était mon bonheur !
De
ces embrassements, j’ai compris le pourquoi –
Ils
me tâtaient, lorsqu’ils me prenaient dans leurs bras :
Où
est le lieu le plus douloureux de ce sein ?
Pour
avec leur poignard mieux y plonger la main…
Et
ils y plongèrent la main. »
(in
Nuages, p. 69)
© Thibault Marconnet
Charmant. J'avoue ne pas toujours être touché par la poésie, mais là, principalement les deux premiers, ces poèmes me touchent au coeur. Suffisamment explicites, rythmés, courts et directs, ils vont directement au but, c'est-à-dire en plein coeur.
RépondreSupprimer