mardi 23 septembre 2014

Le Grand Miracle dans la montagne (à propos de Ramuz)




Charles-Ferdinand Ramuz est un styliste rare ; il manie les mots en tailleur de pierre ainsi qu'en menuisier : son style est un burin qui cisèle la syntaxe et rabote l'inutile écorce.

Chaque phrase est de bon aloi : ici pas de fausse monnaie littéraire.

Cet écrivain suisse est un sourcier au verbe incantatoire.

Ramuz sait insuffler de l'âme dans l’argile de ses personnages afin que ceux-ci puissent prendre chair sous nos yeux de lecteurs attentifs.

Sa lecture est un véritable “ravissement”, en ce sens qu’elle nous arrache à nous-mêmes, nous fait prendre de l’altitude et nous enlève à la lourdeur d’un quotidien où la beauté fait, trop souvent hélas, office de fantôme.

La grâce fredonne, dans ces pages, un chant d’eau sur des galets.

Éclaircie après l’orage, la lumière de son écriture nous allège l’âme.

Thérèse, la femme d’Antoine – ce berger enseveli sous les roches, mort pour tous sauf pour elle –, pousse la pierre du tombeau pour ramener “Lazare” à la lumière du jour.

Par son acte créateur, elle devient comme une seconde mère qui accoucherait de son homme hors de la pierraille froide et bleutée pour le présenter en offrande au soleil.

La fin de Derborence est un “miracle”, dans tous les sens du terme.


© Thibault Marconnet

01/12/2013


Portrait photographique de Charles-Ferdinand Ramuz pris par Gustave Roud en 1935

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