Il est une question
fondamentale à laquelle nous prêtons peu d’attention au cours de nos vies.
Je la formulerais
ainsi : comment s’accommoder d’un monde où l’on a le sentiment que tout
part à vau-l’eau ; que la dégénérescence spirituelle fait des petits à
profusion ; que l’absurdité règne en majesté et que le spectacle a déjà
tout avalé dans sa bouche de confiserie ?
Philippe Muray avait
trouvé une réponse lapidaire :
« La méthode la
plus efficace pour penser le monde est encore d’inventer les moyens d’en
rire. »
Ainsi que le suggérait
Georges Bernanos avec beaucoup d’humour, la ligne de crête se situe hors de l’optimisme
béat et du pessimisme le plus sombre :
« La seule
différence entre un optimiste et un pessimiste, c’est que le premier est un
imbécile heureux et que le second est un imbécile triste. »
Afin de survivre dans
un monde bêtifiant, au sein d’une société toujours plus infantilisante, le
brillant auteur de l’essai intitulé Le
XIXe siècle à travers les âges, avait
trouvé comme exutoire ce qu’il appelait ses Exorcismes
Spirituels, en référence aux Exercices
Spirituels d’Ignace de Loyola.
En écoutant Sans moi, je découvre avec beaucoup de
plaisir l’univers musical et la voix profonde de Bertrand Louis.
Ce dernier nous offre
un salutaire “Exorcisme Musical”.
J’avais déjà pu entendre
Philippe Muray déclamer des textes issus de Minimum
Respect, avec une musique composée pour l’occasion.
Tout cela était plutôt
plaisant.
La voix de Muray était
incisive à souhait mais il manquait une pierre d’angle, pour ainsi dire :
quelque chose de plus étoffé au niveau musical.
Bertrand Louis
accomplit ici une fort belle prouesse : celle de donner une coloration
musicale de grande qualité aux “anti-poèmes” de Muray.
La parole de Philippe
Muray s’incarne avec grâce dans la voix de Bertrand Louis : le témoin est
donné.
Les textes sont d’une
causticité qui fait cruellement défaut en notre époque aseptisée et gavée de
“bons sentiments”.
Pour les êtres lucides
qui aiment à cultiver l’ironie, Sans moi peut
être un bel antidote face à l’ignorance généralisée.
Un texte se démarque
des autres par son rayonnement : il s’agit de L’existence de Dieu, sublime ode à la femme, dans une dimension mystique
et sensuelle ; un hymne charnel que le piano de Bertrand Louis fait lever
comme un pain de lumière :
« Cheveux
froissés, draps du matin / Je sens toujours courir tes mains / Entre tes seins
et le lointain / On entendait chanter un psaume / Essor d’oiseau, nuage carmin
/ Je me souviens de ce royaume […] / Feu de ton ventre / Croix de tes yeux / Tu
prouvais l’existence de Dieu... »
Ps : À tout cela, un seul mot d'ordre, tautologique comme toute bêtise qui se respecte : « Fêtons la fête ! »
Ps : À tout cela, un seul mot d'ordre, tautologique comme toute bêtise qui se respecte : « Fêtons la fête ! »
© Thibault Marconnet
12/12/2013
Je découvre et apprécie la citation de Bernanos concernant la différence entre l'optimiste et le pessimiste. Merci pour tes écrits, Thibault, je ne sais pas toujours quoi commenter, mais je les lis attentivement car ils me sont précieux dans ma tentative d'élévation de mon capital culturel. Ou plus simplement de ma réflexion sur le monde.
RépondreSupprimerCher El Norton,
SupprimerJ'aime me faire passeur de tout ce qui m'a changé, de tout ce qui continue de me construire jour après jour. C'est ainsi que je conçois la richesse du rapport aux autres. Ne te sens pas obligé de commenter : l'essentiel est que de tout cela, tu puisses faire ensuite ta propre floraison. Je te remercie du fond du coeur pour ces témoignages de gratitude.
Ps : Ce jour fut riche pour moi. Grande première : je suis allé faire une séance de signatures dans une librairie sise en la ville d'Annecy. J'ai pu vendre trois recueils et, surtout, ce qui ne s'achète ni ne se vend : un échange fécond avec de futurs lecteurs. Cette journée m'a conforté dans l'idée que le don de soi - quelque forme qu'il puisse prendre (et sans tomber pour autant dans l'abnégation la plus totale) -, est ce qui rend la terre plus habitable entre frères humains. Je posterai prochainement des photos de cette journée qui habitera longtemps ma mémoire.