mercredi 8 octobre 2014

Les choses qui durent

Egon Schiele, Enfant avec un halo dans un champ de fleurs, 1909


C’est dans un geste instinctif, comme venu du fond des âges, que ma main s’est posée sur le vieux mur qui ceignait une tour faisant face au massif de la Grande Chartreuse ; et ce contact m’a procuré de l’apaisement. Vieilles églises, châteaux, pierres, eau limpide des torrents, terres grasses ou sèches, herbes, feuillages, troncs noueux et puissants des arbres centenaires… Il faut s’imprégner par le plat de la paume de toutes ces matières, tendre l’oreille à leurs rumeurs aux accents d’éternité, vibrer au travers de leur pulsation secrète. Dans un monde qui cultive la matière stérile du faux et de l’oubli, il faut toucher les choses qui durent, ces mains qui se tendent pour nous arracher au vide.


© Thibault Marconnet

2008-2009

Egon Schiele, Arbre d'automne en mouvement, 1912

5 commentaires:

  1. N'est-ce pas là un moyen de se sentir vivants dans un monde qui cultive l'instantané et oublie effectivement ce qu'il a adulé quelques temps plus tôt.
    Je suis persuadé que, par effet cyclique, nous allons assister à un renversement de vapeur laissant plus de place temporellement parlant aux hommes, aux oeuvres, aux objets. Je l'espère en tout cas. A titre personnel, j'en ai besoin pour me construire et vivre. C'est aussi pour ça que je passe autant de temps à chérir certaines oeuvres. Elles m'aident à me sentir vivant.

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    1. Puisse ce "renversement de vapeur" dont tu parles (et que je souhaite tout autant que toi) se réaliser pleinement devant nos yeux encore allumés. Merci beaucoup pour tes commentaires, El Norton : j'aime ce partage de sensibilités.

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    2. J'apprécie tout autant ce partage et il ne serait rien sans tes articles qui me sont précieux et me permettent de faire évoluer ma pensée en la confrontant (le terme n'est pas joli, il ne s'agit pas d'opposition, mais simplement d'échange, de partage) à une autre, la tienne en l'occurrence.
      On dit souvent que le conflit permet de faire ressortir du positif, de transcender les individus. J'en suis convaincu, mais ce ne doit pas être systématique, ça ne peut qu'être un outil "de la dernière chance" lorsque la communication n'est plus possible.
      A titre personnel, je trouve ça plus valorisant lorsque le partage se fait de manière apaisée. Il peut y avoir un risque de ne plus se dire les choses pour ne pas froisser la personne avec laquelle on échange (et ainsi ne plus autant faire évoluer sa pensée) si l'on a tissé un lien quelconque, mais c'est un sujet qui mériterait un développement à part entière.

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    3. À mon avis, le conflit comme possibilité de crever des abcès est une très bonne chose. Mais je crois qu'on ne peut le faire de manière enrichissante qu'avec certaines personnes qui nous sont particulièrement proches. Et quand il y a trop grande incompréhension et que le fossé tend à se creuser de plus en plus, le conflit peut alors mener à une rupture irrémédiable - ce qui est parfois fort dommage. Sans jamais rien abandonner de ce qui anime chacun de nous, je crois le dialogue très fécond au sein d'une certaine tempérance. L'échange est une chose bien plus difficile qu'on ne le croit. C'est sans doute ce qui en fait toute la beauté. Comme je l'écrivais quelque part : "La parole est un pain. Il suffit de le rompre pour alimenter le dialogue, pour communier. Ainsi l'âme humaine est sauve." Continuons donc si tu le veux bien, El Norton, à rompre ensemble ce pain nourricier et généreux. Bien à toi, Thibault.

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    4. Continuons, continuons, et ce, avec plaisir !

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