lundi 17 novembre 2014

Vitalité de Casanova



« Celui de survivre au dépérissement de nos membres et à la perte de ce dont notre individu a besoin pour son bien-être est un grand malheur, car la misère ne peut dépendre que du manque du nécessaire ; mais si ce malheur arrive quand on est vieux, il ne faut pas s'en plaindre, puisque, si l'on a enlevé nos meubles, on nous a laissé du moins la maison. Ceux qui, pour se délivrer de pareils maux, se sont tués, ont mal raisonné, puisqu'il est bien vrai qu'un homme qui se tue anéantit ses maux, mais il n'est pas vrai qu'il s'en délivre, puisqu'en se tuant il se prive de la faculté de sentir ce bénéfice. L'homme ne hait les maux que parce qu'ils sont incommodes à la vie : dès qu'il ne la possède plus, le suicide ne peut le délivrer de rien. Debilem facto manu - Debilem perde, coxa - Lubricos quate dentes - Vita dum superest bene est [Mécènas fut un galant homme / Il a dit quelque part : qu'on me rende impotent / Cul-de-jatte, goutteux, manchot, pauvre, qu'en somme / Je vive, c'est assez, je suis plus que content (Mécène, trad. Jean de La Fontaine)]. »

Giacomo Casanova 
(in Histoire de ma fuite des prisons de la République de Venise, ed. Allia, p. 9-10)


Johann Berka, Portrait de Giacomo Casanova, 1788

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