EZ3kiel - Barb4ry [2003]

Les membres du groupe EZ3kiel ne s’annoncent pas tant comme des prophètes mais plutôt comme des êtres qui mettent en musique le constat d’un monde qui, bien souvent, court droit à sa perte. Cet album porte bien son titre et le morceau Versus est un affrontement entre laideur et beauté, entre bon et mauvais, entre horreur et grâce. Deux voix se départagent le cercle de feu : une voix masculine aux sombres accents qui nous dresse ad nauseam la litanie de tous les raffinements tortionnaires dont l’être humain est capable ; et, de temps en temps, une voix féminine qui sourd de l’horreur pour tenter d’apposer un voile de douceur sur les plaies purulentes. Cette femme jette des mots de lumière pour consumer la barbarie des ténèbres – avant d’être finalement dévorée par un feu noir. 

Cet album n’est pas placé uniquement sous le signe de la noirceur, bien au contraire. Ainsi que nous l’évoque puissamment Versus, un équilibre est possible depuis l’horreur la plus extrême, jusqu’à la plus délicate beauté. 3 Rue Monplaisir et son dub entêtant émaillé par un accordéon fantôme vient quelque peu apaiser le chaos. Phantom Land est une danse fiévreuse sur des terres brûlées, portée par le baume divin d’une gracieuse voix de femme. Le sol tremble sous les pas : Tôt ou Tard nous conduit dans une valse inquiétante. Avec Thought, un peu de soleil vient dorer la grisaille des cendres. 

L’intranquillité, ce terme forgé par le poète et écrivain portugais, Fernando Pessoa, conviendrait parfaitement à cet album : il en épouse admirablement toutes les nuances. Si ce disque a quelque chose d’apocalyptique, c’est bien dans le sens originel du mot “apocalypse” qui signifie “dévoilement”. Au bout de cette nuit parsemée de faibles lumières, la “révélation” pourra enfin prendre chair et annoncer un renouvellement, une renaissance. 

Comme le serpent Ouroboros – symbole qui court dans plusieurs civilisations et qui représente un serpent ou un dragon qui se mord la queue –, la barbarie, dans son cercle vicieux, finira par s’avaler, s’anéantir d’elle-même, se réduire à néant ; et le serpent mangera sa peau morte. Akik vient clore la boucle ouverte par Kika ainsi qu’un miroir lumineux. 

Alors une aurore lève enfin son javelot en direction des ténèbres dissipées. Les ruines reprennent vie sous la chaleur de l’astre rouge. Les dix plaies d’Egypte se referment. Les sauterelles rentrent sous terre ; les premiers-nés ressuscitent. Le bronze résonne, la lumière vit – et tout est achevé.

© Thibault Marconnet

le 18 mars 2014

Tracklist :

01 - Kika

02 - Versus

03 - Another

04 - 3 Rue Monplaisir

05 - Phantom Land

06 - Tôt Ou Tard

07 - ObSSD

08 - Barb4ry

09 - Thought

10 - Sûrement

11 - Akik

Ez3kiel