Ulan
Bator n’est pas seulement le nom de la lointaine capitale mongole. C’est aussi
un groupe parisien aux riches aventures sonores, fondé en 1993. Végétale est une volée de bois vert qui
nous cingle le visage. Il faudra être « paré pour la douleur » ainsi
que nous en avertit le chanteur dès Lumière
Blanche. Une jungle luxuriante nous attend. Des tigres guettent, à l’abri
des feuillages. Les riffs grognent, le chanteur crache ses mots ainsi que des
ronces et la batterie se montre implacable.
Végétale
fait penser à des enfants sauvages qui viendraient saccager un jardin à la
française pour nous ramener dans la fiévreuse forêt des origines. C’est une
chaleur tropicale, moite et étouffante qui nous saisit à la gorge. Rien n’est
lisse ni propret dans la musique d’Ulan Bator : on sent les herbes suinter un
alcool vert sous les doigts blancs du soleil et les plantes carnivores salivent
à l’idée de nous engloutir. Ces gars-là ne font pas dans la dentelle et ne sont
pas marchands de sommeil pour deux sous, vous pouvez m’en croire. Dans leur
univers, le chaos est roi – un chaos maîtrisé, cela va de soi.
Tel un Petit
Poucet égaré, une fois dans ces bois vous ne retrouverez plus votre chemin. Une
lourde sève, épaisse et poisseuse semble dégouliner du ciel ainsi qu’une pluie
rousse. Vénéneux, brûlant et inspiré, cet album n’est pas sans m’évoquer
l’atmosphère du terrible roman fantastique de Michel Bernanos : La Montagne morte de la vie. Pour vous
en faire un très court résumé, après un violent naufrage dont ils sont les
seuls survivants, deux marins échouent sur une île désertée par toute forme de
vie humaine. D’amères découvertes les attendent : la nature n’est pas
cette bonne mère aimante que certains prétendent glorifier. Cette louve n’a que
faire de nous donner à téter son sein féroce. Quand elle a choisi de reprendre
ses droits, son verdict est impitoyable. Funambules au-dessus des gouffres,
nous cheminons jusqu’au sommet de la montagne. Au fond du cratère, un œil fixe nous
regarde et la minéralité s’infiltre dans nos veines. Et tant pis pour ceux qui
n’auront pas su fuir à temps de cette île où la mort rôde derrière l’ombre de
chaque feuillage.
Dans la grisaille parisienne, entre deux méphitiques fumées
de pots d’échappement, Ulan Bator se fait un rail de chlorophylle afin de pouvoir
mieux respirer. Poudre végétale, suc capiteux et colérique, cet album a le don
d’enserrer son auditeur dans la profusion de ses lianes électriques. Quand
l’oxygène viendra à manquer pour de bon sur ce vieux globe vert et bleu, il ne
nous restera plus qu’à nous pendre au ciel – en espérant que celui-ci veuille
bien nous accueillir.
Tracklist :
01
- Lumière Blanche
02
- Céphalopode
03
- Pekisch Organ
04
- Fièvre Hectique
05
- Hart
06
- Fuite
07
- Embarquement
© Thibault Marconnet
le 06 juin 2014
Ulan Bator |