jeudi 22 mai 2014

Le tesson du miroir

Thibault Marconnet, Or et feu, 2013


Mets toute ton âme
Dans ta parole
Jette-toi à corps perdu
Dans l’océan de flammes

Ton sang est une encre rouge
Ouvre la veine de la poésie
Et rends jusqu’à ta dernière goutte

Que pisse ton sang d’homme
Sur les draps de la lumière !

Lacère le silence
Déchire tes lèvres

Et pleure ta grandeur
Ta face misérable
Sur la mer blanche

Sois l’assassin
Et du jour et de la nuit
Que tout meure en toi
Pour renaître

Crache l’eau noire de ta bouche
Sur les pâles cuisses du papier 
Ecris jusqu’à nourrir les mouches ;
Laisse s’ouvrir le fruit qui doit saigner

Que ta parole soit marteau
Et le monde une enclume ;
N’épargne pas ta peau
Ne retiens pas ta plume

Sois la fièvre jaune
Et la peste noire
Aux lâches ne fait nulle aumône :
Sois le tesson du miroir.


© Thibault Marconnet

14/02/2014



Thibault Marconnet, Bleus, 2013


7 commentaires:

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    1. En effet, Keith, il y a de la violence dans ce texte, indéniablement.
      Mais loin d'être destructrice, je la vois plutôt comme la violence du sang qui bouillonne, de la pulsion de vie qui nous pousse en avant.
      Un grand merci chaleureux pour ton commentaire !

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  2. Un metaleux qui trouve la musique trop violente, on aura tout lu !!!

    Puisqu'il est question de sang, je t'offre mon tout dernier poème (écrit à la mort d'une amie), je ne sais plus de quelle année il date.

    ROUGE LUNE

    J'ai trop pleuré pour rien,
    j'aurais honte de pleurer pour toi
    Je vais décharger mon revolver
    en direction de la lune
    jusqu'à ce qu'elle pisse le sang


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    1. Mon cher Jimmy,

      C'est toujours avec beaucoup d'émotion que je te lis.

      "Je vais décharger mon revolver
      en direction de la lune
      jusqu'à ce qu'elle pisse le sang"

      Merci...

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    2. Je ne parlais pas là de musique, mais de mots.
      Et si, finalement, les mots étaient plus violents que la musique…

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  3. C' est vrai que l' écriture est passion, un amour fou dans la douleur, j' aime cette audace sans provocation, moi aussi l' écriture me baise et me contamine, mais c' est mieux dit avec tes images.

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    1. Oui Isabelle, l'écriture s'impose bien souvent à nous : dès lors, ne pas répondre à son appel est, pour ainsi dire, de l'ordre de l'impossible. C'est tout un art que de parvenir à introduire dans un poème une certaine crudité sans pour autant tomber dans la vulgarité. Jean Genet ou Verlaine sont admirables à ce sujet : leur écriture crue est majestueusement contrebalancée par des images hautement poétiques. C'est un art de funambule.

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