dimanche 25 mai 2014

Braises

Thibault Marconnet, Bulles vertes, 2013


Les poètes sont des braises dans la nuit.

La poésie ne se courtise pas,
elle se prend.

Poète, aux yeux ouverts
sur l'électricité des rêves.
Poète, au cœur d'orages
sur le monde
qui suinte au bout des doigts.

Poète, au ventre tendu –
la vie qui palpite
ne peut être rendue.

Nous venons de l'errance,
le monde plein les veines.
L'univers claque sous nos encres
de cette harmonie
qui se féconde du trouble.

L'eau jaillit de notre bouche –
l'âme en funambule
sur le rasoir du grand théâtre.

Vibre, saute, jacte l'imaginaire !

La mort qui nous regarde
n'est plus qu'une note à l'agonie
quand nous froissons
cette écriture qui plonge
à travers le sang
de tout ce qui est double.

Nous sommes le miroir fragmenté
lacéré de reflets d'absolu.
Nous sommes cette fissure enceinte
qui parle d'unique.
Nous sommes le sable des plaines
et la lumière qui l'embrase.

La voix qui tressaute en nous
jusque sur la langue
jusque sous la peau
dans l'infini du soleil
au-delà des écueils 
cette parole-là
est pure poésie.

Que veut la braise
quand elle est déjà flamme ?

© Thibault Marconnet
10/03/08


Thibault Marconnet, Paysage acide, 2011

9 commentaires:

  1. Dans mon jargon phraseur " il est intéressant d' étudier la mise en abyme que font les poètes de leur écriture.." J' aime bien le " rêveur sacré" de Hugo, j' aime encore plus ce mélange passionné de tous les éléments et de toutes les sécrétions qui associe ta poésie à une danse tribale, fébrile et mystique.Et ici, et avec ton recueil, franchement, je me régale!Enfin, des tripes et de la profondeur!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tu sais bien me cerner, Isabelle. La "passion" m'anime, au sens étymologique du mot, qui se rattache "au fait de souffrir". D'ailleurs, je ne sais pas quel est ton avis sur la question mais, pour ma part, j'ai horreur de tous les galvaudages que "l'on" fait subir à notre langue. "Passion" devient "Loisir" ; "Epicurien", "Bon vivant" ; "Clochard", "Sans Domicile Fixe" ; "Romantisme", "Dîner aux chandelles", et j'en passe... Je ne supporte pas cet assassinat du sens, de la sémantique. La sémantique est la semence du langage : elle est ce qui le maintient hors des sables mouvants de notre monde voué à la toute-puissante technique, à la déshumanisation de chaque être afin de mieux le vider de sa vie intérieure, de sa substance divine.
      La profondeur nous fait cruellement défaut et l'écume des choses emporte tous les suffrages...

      Supprimer
  2. Pourquoi y a-t-il toujours autant de colère dans tes mots ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Salut Keith,
      Tous mes poèmes ne sont pas forgés dans la colère. Pour répondre à ta question : cette colère-là me pousse en avant, elle me maintient en vie. C'est une colère motrice.
      Et puis, j'estime que la colère - tant qu'elle ne dévie pas vers la destruction de soi ou des autres -, est une bonne chose : c'est un ferment, une pulsion vitale. C'est une manière de réagir à ce qui nous entoure, à exprimer tout ce qui palpite en nous. Si je ne me libérais pas de cette colère (au moyen de l'écriture, du chant, de la peinture, etc) : celle-ci, tôt ou tard, m'engloutirait irrémédiablement. Je crois que trop d'individus se mettent des oeillères face à leurs propres émotions, se les dissimulent. Or, chaque émotion est nécessaire : elle a son mot légitime à nous dire. Ignorer cela, le nier, c'est se mettre dans des conflits intérieurs qui, au final, ne peuvent que nous détruire de l'intérieur. Mon postulat est de vivre pleinement chaque émotion qui me traverse. Souvent, l'on parle d'émotions "positives" ou "négatives". Il n'y a pas d'émotions "négatives" puisqu'une émotion, qu'elle quelle soit, existe, se fait sentir à nous. Le "négatif" comme son nom l'indique, c'est tout simplement ce qui nie l'existence. Et on ne peut "nier" l'existence d'une émotion, qu'elle soit "agréable" ou "désagréable". La seule chose que nous puissions faire, c'est d'accueillir chaque émotion - sans la juger.
      Ce qui n'est pas chose facile, j'en suis bien conscient.
      Ma réponse est un peu longue, Keith, mais je tenais à répondre au mieux à ta question.
      Et tu as bien fait de me la poser.

      Bien à toi,

      Thibault

      Supprimer
    2. Je comprends tes sentiments. Surtout, ce n'était pas un reproche, mais plutôt un étonnement de ma part.
      Le monde d'aujourd'hui est un formidable terreau pour la colère : religion, pollution, politique… Je me soigne à coup de médicaments sonores : Rolling Stones, Motörhead, Led Zeppelin en intraveineuse et Beatles en suppositoire !!!!!
      Belle journée !

      Supprimer
    3. Cher Keith,
      J'avais bien compris qu'il ne s'agissait pas d'un reproche. Et je te suis reconnaissant car ta question m'a permis de m'élucider davantage dans mon positionnement intérieur. J'ai aussi tout un tas de "médicaments sonores" qui m'aident. C'est Nietzsche, je crois, qui disait : "Sans musique, la vie serait une erreur." Je ne saurais dire mieux...
      Belle soirée à toi !

      Supprimer
  3. Elle était brune
    comme le cheval qui transperce la nuit
    de son galop
    Je l'appelais Colère
    Elle me giflait quand nous faisions l'amour !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Elle m'a fait boire
      la nuit tout entière
      au feu de son ventre
      aux flammes de sa crinière...

      Supprimer
    2. Mon cher Jimmy,
      Je tenais à te dire une fois de plus combien j'apprécie tes poèmes déposés ici en offrandes.
      Comme tu as pu le voir, j'aime à tenter de les poursuivre avec mes propres mots et par tout ce qu'ils font naître en moi.
      Peut-être pourrions-nous essayer un jour ou l'autre, toi et moi, de forger quelques écrits à quatre mains ? Ce serait pour moi un immense plaisir.

      Supprimer