mardi 8 avril 2014

L'homme qui fit tous les tours (Armand Robin)




Quand j’aurai rendu visite aux hommes du monde entier,
Quand à travers leurs mots, leurs chants, leurs plaintes j’aurai partout passé, ayant comme laissez-passer
Auprès d’eux tous ma fatigue et mon effort de nuit et de jour

Quand, pour comprendre un mot de plus d’un frère éloigné,
J’aurai donné mes aurores, mon sommeil, mes songes pendant dix années,
            (Que fait-il en Chine, cet homme-là
            Et celui-là, que fait-il dans l’Arabie ?
            Qu’ont-ils fait dans tous les temps, dans tous les pays ?

Lorsque j’aurai servi les plus grands de tous,
Pouchkine, Ady, Fröding, Imroulqaïs, Tou Fou,
Essénine, Maïakovsky, Palamas,
Lorsque j’aurai vécu sans sommeil, sans lit,

            Je déboucherai sur un grand désert,
            Sans personne,
            N’ayant plus que moi-même ;
            Je devrai m’expliquer avec les étoiles,
M’en aller tout petit sous la grande clarté de la nuit,
            Très âgé,
Comme un qui a traversé les pays et les âges.

Mais je me sentirai jeune de la terre traversée, aimée,
J’aurai pour m’apaiser toute la terre consolée.





© Armand Robin

(in Le cycle du pays natal, p. 86-87)

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