Albert
Ayler a été une fulgurance dans le milieu du jazz, une zébrure noire sur le
blanc du ciel. Miles Davis le détestait allégrement et avait même, à ce que
j’ai pu lire ici ou là, des envies de meurtre à son égard. Sa musique lui
paraissait une insulte. Ce qui n’était absolument pas le cas de John Coltrane –
bien plus visionnaire pour le coup –, littéralement transporté et envoûté par
le jeu de Albert Ayler, par ce feu sacré qu’il déroulait comme des flammes
métalliques du plus profond de son saxophone endiablé.
Il y a quelque chose de
profondément vaudou dans cette œuvre aussi fugace qu’une étoile filante. S’il
est pour moi un album live aussi indispensable que les sessions du Greenwich Village, c’est bien celui des Nuits De La Fondation Maeght, enregistré
à Saint-Paul de Vence dans la fièvre de l’été 70, peu de temps avant que ne
survienne la mort d’Albert Ayler dans des circonstances qui demeurent encore
fort brumeuses. Suicide ? Règlement de comptes ? Seules les eaux
sales du port de New York pourraient témoigner, elles qui l’accueillirent comme
sa toute dernière matrice afin qu’il puisse remonter le fleuve de sa vie et
déboucher sur le delta de l’Infini, l’embouchure mélodieuse de l’Eternité
retrouvée.
Cierge éteint à seulement 34 ans, Albert Ayler, de par le don
merveilleux de son âme, fut une sorte de Christ noir. Sa musique est le vin qui
délivre de la peine ; le pain qui, tel un buvard boit les larmes
douloureuses. Ainsi que beaucoup de jazzmen, Ayler était junky. Mais sa
véritable drogue, la plus puissante, fut sans nul doute la musique. En écoutant
Truth Is Marching In, on se dit que
peut-être, enfin, le mensonge rampant si cher à l’humanité va nous foutre la
paix pour les siècles des siècles !
Quant à Music Is The Healing Force Of The Universe, ce n’est rien de moins
que le Fiat Lux, l’apogée créatrice,
l’éruption volcanique, le tesson de lumière qui vient déchirer le linceul des
ténèbres et faire danser dans l’air les semailles de la résurrection. Et
c’était sans compter l’irremplaçable Mary Maria Parks, qui a eu l’infinie bonté
de venir rejoindre sur scène le saxophoniste habité pour entonner avec lui ce
chant miraculeux sur lequel la main froide de la mort n’aura jamais de prise.
Dieu sait que la détresse n’épargna pas Albert Ayler durant sa trop courte
existence. Mais ces derniers enregistrements live s’annoncent comme des feux de
joie pour narguer à tout jamais le désespoir qui rôde au coin de chaque âme
sensible.
© Thibault Marconnet
le 03 mai 2014
Tracklist :
01
- In Heart Only
02
- Spirits
03
- Holy Family
04
- Spirits Rejoice
05
- Truth Is Marching In
06
- Universal Message
07
- Spiritual Rejoice
08 - Music Is The Healing Force Of The Universe
08 - Music Is The Healing Force Of The Universe
Lien Deezer : Albert Ayler - Nuits de la Fondation Maeght [1970]
Albert Ayler et Mary Maria Parks |
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