lundi 26 janvier 2015

Jean-Louis Murat - Live in Dolorès / Murat en plein air [1998]




« Rien n’est important, j’écris des chansons / Comme on purgerait des vipères... »
En 1998, à la lisière du XXIe siècle, Jean-Louis Murat n'en finit pas d'étonner.
Après le très beau Dolorès, où sa voix courait sur une peau féminine, voici qu'il pénètre à même la chair dans l'intimité de cette énigmatique muse pour mieux nous dévoiler la vie qui palpite en son sein.
Fleur de nuit sans doute que cette femme, dont la vie est “à fleur de peau”.

“Une vie de terre et d'eau” semble s'écouler en elle tant la nature est présente au cœur de cette œuvre : les oiseaux y chantent dans leur beau ramage inconnu un cantique d’ivresse ; le murmure des ruisseaux n'est pas loin et Murat bat la campagne comme un pèlerin qui voudrait, au milieu des herbes, retrouver l'Origine du monde telle que Courbet nous la fît voir en son temps. Le barde auvergnat n’a sans doute jamais été aussi loin, aussi haut, aussi profond. Fort Alamo est reprise dans une version enragée qui m’a bien souvent accompagné quand le monde autour de moi ne m’apparaissait plus que comme une parodie, un tiède et vain simulacre. « Tes gestes d’orfèvre / Ta vie de femelle / Je te jure / Que je m’en fous / Le plaisir vorace / Dans l’impasse / Et alors ? […] / Je m’en fous... »

L'année 1991 fut également fertile pour Jean-Louis Murat et la moisson fut bonne.
Avant de se recouvrir d'un “manteau de pluie”, le bluesman arverne aux yeux d'azur, avait décidé, avec Murat en plein air, de prendre l'air du temps en interrogeant son climat intérieur.
En ressort un chant de la terre, où cloches et beuglements de vaches avoisinent des liturgies d'oiseaux et les trilles bondissants de l'eau des torrents.
Murat en plein air est une sorte d'éclat de météorite encore fumant et c'est cette pierre des étoiles que le fils des puys nous confie pour mémoire.
“Calme bloc ici-bas chu d'un désastre obscur”, eut pu dire Mallarmé en son langage.

Live in Dolorès / Murat en plein air est pour moi une sorte de mantra, un chant de survie au cœur d’un monde malade et dont le seul médecin efficace me semble être l’imaginaire. Chaque fois que j’écoute ce double album hors du temps, j’ai envie de prononcer les mots de l’écrivain lyonnais Serge Rivron, issus de son prodigieux livre La Chair : « Je ne me suis pas suicidé parce que j’emmerde le réel. »


© Thibault Marconnet
le 05 juin 2013


Tracklist :

CD1 :

01 - Perce-Neige
02 - Au fin fond d’une contrée [Akhenaton / Jean-Louis Murat]
03 - Fort Alamo
04 - Aimer
05 - Margot
06 - Oncle Vania
07 - La Chanson de Dolorès
08 - Little Valentine
09 - Benito
10 - L’Excursion au Mont D’Or

CD2 :

01 - Intro Col
02 - Le Berger de Chamablanc
03 - Terres de France
04 - Dordogne
05 - Le Lait des Narcisses



Deux entretiens radiophoniques : 





Jean-Louis Murat

4 commentaires:

  1. On parle peu de Jean-Louis Murat, pourtant c'est un artiste majeur de la scène française.

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  2. Salut Keith, merci beaucoup pour ton petit mot ! Oui, comme toi je constate le peu d'intérêt que nos médias consacrent à Jean-Louis Murat. C'est aussi qu'il a pour lui (et c'est un compliment de ma part) de ne pas être très “tendance” : chanter l'Auvergne, le “camping à la ferme”, la verdeur enivrante des puys, le doux roulis des sources, le linceul de la neige, le parfum des prés, la grâce nonchalante des pesantes vaches, le chant des mésanges, l'évocation charnelle des noms de lieux, la nuit ancienne des campagnes sur laquelle la ville n'a pas encore tout à fait prise, la beauté et la fragilité du rapport que l'homme peine à entretenir avec la nature... tout cela n'est pas des plus “branchés” (bien que le troubadour arverne convoque souvent l'électricité et qu'il sache taquiner la guitare avec un talent, une inventivité et une vigueur qui ne cessent de m'émerveiller). Je ne sais si tu as eu l'occasion d'écouter “Babel”, son nouvel opus, auquel cas je te le recommande chaleureusement. Bien à toi.

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  3. En lisant tes propos, j'ai comme l'impression que tu es fan de Jean-Louis Murat. Je suis en train de préparer une compile qui lui est consacrée. Serais-tu d'accord pour rédiger un petit texte de présentation ? Si tu l'es, je t'expliquerai tout ça plus en détail. Sinon, il n'y pas d'offense !

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    1. Et ton impression est la bonne, cher Keith !
      Une “jolie compile” consacrée au troubadour arverne, voilà qui est pour le moins alléchant ! Je me ferais un plaisir d'écrire un petit texte pour accompagner ta compile : j'aime beaucoup ce genre de collaborations. Tu peux m'écrire à l'adresse suivante pour me faire part de plus amples explications : thib_valery@hotmail.com.
      Au plaisir de te lire.
      Bien à toi.

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