jeudi 5 février 2015

Poème des tisserands cosmiques

Nicolas de Staël, Mer et nuages, 1953


À Adonis et Mahmoud Darwich, tisserands cosmiques de l'ici-bas


Poudre d'or de l'Orient,

miel rouge des mots de l'amour

chuchotés ;

échappée du corps brûlant
vers les caravanes du désir

jusqu'au bout des forces jusqu'au bout du cœur 



Quand feu et eau s'épousent entre les bouches unies
de l'amant et de l'aimée
alors, dans la réconciliation des contraires,
dans l’entremêlement de leurs boucles

se réveille enfin l'oasis de l'univers

Entends grincer le sable du désert 
dans sa voix de sauterelles.
Il conserve en sa nuit 
la mémoire de sel 
des anciens océans

Le monde renaît au sein gonflé de chaque aube.
Dans les yeux de la femme, deux fruits verts :
le printemps de tout ce qui commence
et qui n'en finit jamais

Avant le grand partage de la nuit
toi, l'ami seul et égaré
écoute donc battre en ta poitrine
l’étreinte des tisserands cosmiques
qui, dans la robe claire de l'Éternité
retissent le Ciel à la Terre
l'un à l'autre infiniment tressés


© Thibault Marconnet
le 05 février 2015





Nicolas de Staël, Paysage de Provence, 1953

3 commentaires:

  1. Ce que j'aime bien dans tes écrits (entre autre), ce sont certaines "associations" de mots plutôt enivrantes : "miel rouge des mots", "caravane du désir", "réconciliation des contraires", "infiniment tressés"… c'est à la fois flou et terriblement parlant… euh ! c'est possible ça?!?

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  2. Salut l'ami Keith !
    Oui, c'est tout à fait possible ; “à la fois flou et terriblement parlant”, c'est même une très belle définition pour parler de ce qu'est la poésie. Merci beaucoup pour ton commentaire ! J'aime apporter un peu d'exotisme et de rêve dans un monde trop souvent sujet à la grisaille. Ce que je cherche à faire en poésie, c'est à célébrer l'univers avant tout, le cosmos ; et surtout l'ici-bas ! Car je ne me soucie pas de savoir si une quelconque divinité existe qui régenterait nos vies ; et je me fiche bien de savoir ce qu'il pourrait y avoir “après” la mort, si tant est qu'il y ait quelque chose... Cela dit, ça ne m'empêche pas d'avoir terriblement peur de la camarde, comme beaucoup de personnes je crois. Ce qui m'attriste, c'est de voir à quel point notre société ne fait plus assez de place à la célébration de l'ici-bas, aux éléments de beauté qui peuvent s'attraper dans le quotidien avec le filet à papillons d'un regard curieux et grand ouvert. La beauté est là, sous nos yeux (tellement proche que, bien souvent, nous passons à côté d'elle sans la voir).

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    1. J'ai bien peur que le monde n'ait entamé une course folle qui le mènera bientôt à sa propre perte. À force d'être connecté à la planète entière l'humain n'a malheureusement plus le temps de s'intéresser aux papillons, pas plus qu'il ne se soucie du sort des dauphins et des ours blancs.

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