La
souris Médor avait la particularité de fumer la pipe ; le chat Brutus
fumait des Blondes depuis qu’il avait perdu sa brune et le chien Mistigri,
quant à lui, tirait sur des barreaux de chaises qui le faisaient tousser à s’en
décrocher la mâchoire.
Ces
trois compagnons, pas bêtes du tout au demeurant, étaient attablés à la table
ronde de leur troquet favori : “La Souricière”.
« Ma,
qué pensez-vous dé la pétite poule qui arrive, les amis ? Yé voudrais bien
être son coq pour la réveiller aux aurores ! » dit le chat Brutus
avec des éclairs lubriques dans le regard, tout en lissant les longues moustaches
qui faisaient sa fierté.
Mistigri,
comme à son habitude, toussa comme un volcan enrhumé qui s’apprête à éternuer
dans une immense éruption.
De
sa petite voix de souris, Médor lui dit sentencieusement :
« Mais
arrête donc un peu de fumer tes barreaux de chaises, ça pue et puis tu sais
bien qu’ça m’indispose ! »
Mistigri
le chien lui répondit de sa voix traînante et pâteuse :
« Oh,
toi alors… tu vas pas t’y mettre… tu sais bien que j’ai toujours eu un faible
pour Fidel Castro…
-
Peut-être, m’enfin question choper la gastro, avec ta fumée des enfers on est
servi ! » rétorqua Médor de sa voix haut perchée.
« Ma,
régardez-moi cette grosse dinde qui s’avance : elle a trop bouffé d’OGM ma
parole ! » déclara Brutus avec son franc-parler coutumier.
« Toi
et tes histoires de volaille, ça commence à bien faire ! Arrête un peu
avec tes noms d’oiseaux, j’suis allergique aux plumes ! » cria Médor.
« Bon,
les copains… on va pas s’bouffer le museau pour si peu, voyons… Et si on
parlait plutôt affaires ? Demain, j’organise un concours d’humains dans un
hangar… place du Pékinois… Faudrait voir à lancer les paris… » annonça le
chien Mistigri.
« Moi,
yé né peux pas, ces combats d’hommes, ça mé dégoûte… et puis, quoi que yé
fasse, yé suis touyours mal placé ! » lança le chat Brutus, d’un air
écœuré.
« Ben
alors, qu’est-ce donc qui t’arrive, chat Guevara, tu t’mets en
dissension ?! Tu sais bien qu’on n’aime pas trop ça nous
autres ! » déclara la souris Médor d’un ton menaçant.
« Vous
faites cé qué vous voulez, moi yé rendez-vous avec oune belle pétite
poupée ! »
Médor,
excédé, allait réagir quand le placide Mistigri intervint :
« Laisse
tomber, Médor… tu sais bien que Brutus pense qu’à ça… N’empêche, ça va être
sanglant demain… Ce serait dommage de rater ça… »
« Et
les droits des zhoumains, alors ? Moi yé dis que cé dé l’esclavage ! »
« Eh,
minute mon minet ! Et la traite des poules et dindes en tous genres, c’est
une œuvre de bienfaisance, peut-être ?!
-
Ma yé né souis absoloument pas d’accord, ça n’a rien à voir ! Si y’aime
fourrer des dindes et les faire bosser pour moé, ça mé régarde ! »
répliqua Brutus, agacé par ces piques quotidiennes.
« Sérieux
les potes… z’êtes graves… on n’est pas là pour s’bouffer les rognons… Viendra
qui veut… De toute façon, que vous soyez là ou pas, les humains s’étriperont
quand même… c’est une manie chez eux, à croire qu’ils savent faire que
ça… » dit le chien Mistigri d’un ton philosophe.
« Yé
souis une natoure sensible, moé ! Tou peux faire le coq avec tes combats
d’homme, mais y’a pas de quoi fouetter un chat ! »
« Tout
doux, mon minou ! Si tu la fermes pas, Brutus, on va finir par t’prendre
au mot ! Les hommes aiment se battre, c’est comme ça, et puis nous ça nous
rapporte du pognon : tout l’monde est content ! » déclara
brutalement Médor de sa voix suraigüe.
Chacun
termina solennellement sa conso : lait fraise pour Brutus le chat
séducteur, Bourbon pour Mistigri le chien pataud et jus de carottes pour Médor
la souris survoltée.
Nos
trois compères sortirent de “La Souricière” avec des allures sournoises de
voyous et de conjurés qui préparent un bon coup. Après maints sourires et clins
d’yeux complices tout en se frottant les pattes, ils finirent par se donner rendez-vous
pour le lendemain à la même heure.
© Thibault Marconnet
le 30 janvier 2015
George Bellows, Rencontre de boxe chez Sharkey, 1909 |
Hilarant… et si proche de la réalité !
RépondreSupprimerEt celui qu'est pas d'accord, j'y mets ma main dans sa tronche !!!!!
;-D
Salut l'ami Keith !
SupprimerMerci beaucoup pour ton commentaire. Je me suis bien “poilé” en écrivant ce texte ! :-D
Et je suis heureux que tu aies pris du plaisir à sa lecture.