Georges de La Tour, La Madeleine à la veilleuse, 1642-44, (détail) |
Une pluie fine tombait sur les toits du
petit village de Lanzergues. Le jour commençait à décliner peu à peu, quand le
clocher de l’église sonna cinq heures de l’après-midi. En ce mois de novembre,
les habitants ne s’attardaient pas dehors, ils se calfeutraient dans leurs
maisons après avoir allumé un feu de bois dans la cheminée.
Un homme venait sur la route de
Bassaigne, marchant d’un pas lent et jetant des regards autour de lui. C’est
Jeanne qui fut la première à le voir comme elle sortait de l’église, après
avoir prié pour son fils Thomas. Un jour, il y a trente ans de cela, à peine
âgé de 21 ans, le jeune homme avait quitté le domicile familial, suite à une
violente dispute avec le père. Depuis, il n’avait jamais donné de ses
nouvelles. Le père s’était terré dans sa colère, et il déclarait que son fils
était désormais mort pour lui. De son côté, Jeanne était en proie aux plus
vives angoisses et, chaque fois qu’elle pensait à son fils, c’est comme si on
lui arrachait le cœur de la poitrine. Pourquoi n’avait-il jamais envoyé de
lettre ?
L’homme qui marchait seul, en cette fin
de journée, sortit une cigarette de sa poche et l’alluma, plaçant sa main en
auvent pour la protéger de la petite pluie fine. Il s’était arrêté près de la
fontaine de Lanzergues, et semblait songeur en regardant les gouttes de pluie
troubler l’onde contenue dans la vasque de pierre. Il leva son visage et
regarda Jeanne droit dans les yeux. Une grande tristesse emplissait le regard
de l’homme.
C’est alors que Jeanne sentit comme un
coup de couteau remuer dans son ventre : était-ce bien possible ? Ces
yeux, ce visage taillé à la serpe, cette cicatrice sur le front, cette moue au
coin des lèvres, elle les aurait reconnus entre mille. Sa respiration
s’accéléra. Elle ne pouvait y croire. Était-ce bien lui, après toutes ces
années d’absence ? N’était-ce pas un effet de la pluie ? Elle porta
la main à sa bouche et dit dans un sanglot :
« Thomas ! »
L’homme se rapprocha d’elle, jeta sa
cigarette, et passa nerveusement la main dans ses cheveux, comme il avait
l’habitude de le faire enfant, chaque fois qu’il craignait qu’on le gronde. Jeanne
éclata en pleurs et se jeta dans les bras de son fils retrouvé. Son petit ange,
son oiseau de paradis lui était revenu.
La mère et le fis s’étreignirent
longtemps, sans parler. La nuit tombait sur Lanzergues, mais une lumière
enveloppait ces deux êtres qui se redonnaient vie l’un à l’autre.
© Thibault Marconnet
le 24 novembre 2017
le 24 novembre 2017