Francisco de Zurbarán, Saint François en méditation, 1635-1639 (Londres, National Gallery)
Le soleil répandait sa poudre d’or sur
les murs du monastère d’Assise, quand quelques lézards firent leur apparition,
réveillés par la lumière. Francesco était dans sa cellule, les yeux tournés
vers le crucifix, il priait en silence. Au dehors, les oiseaux chantaient à
cœur joie dans la légère brise matinale. Les yeux fermés, le moine écoutait
leurs voix, semblables à des flûtes célestes. Il passa de l’eau sur son visage
et des gouttes s’accrochèrent aux rudes épis de sa barbe noire. Après avoir
fait le signe de croix, il sortit.
La campagne, en ce début de printemps,
était toute rajeunie. Francesco aspira à pleins poumons les parfums de la
nature environnante. Puis, il prit un sentier qui longeait le monastère. Sur sa
route, il croisa frère Bartolomeo : ils se saluèrent d’un signe de tête,
sans qu’aucune parole ne vienne troubler l’harmonie des choses terrestres.
Au pied d’un vieux chêne, gisait un petit
oiseau mort : c’était une mésange. Avec beaucoup de délicatesse, Francesco
la recueillit entre ses paumes. Sa robe colorée semblait avoir perdu de son
éclat, et plus aucune lueur ne brillait dans ses yeux. « C’est donc cela,
la mort, pensa le moine. Un grand silence, et seul le témoignage d’un corps qui
ne bougera plus, avant de se mêler peu à peu à l’humus. Es-tu en paix, petite
mésange ? Connais-tu maintenant le langage des choses muettes ? se
dit Francesco en lui-même. Il y a quelques jours encore, tu chantais auprès de
tes frères et sœurs, ce psaume vif et sautillant que nous autres hommes ne
sommes pas en mesure de comprendre. Frère Soleil embrassera-t-il toujours de
son baiser de feu tout ce monde qui s’agite sous sa face ? Que peut la
parole humaine face à tant de mystères ? »
Au même moment, une fauvette s’élança
dans les airs et son chant pénétra l’âme du moine. Un sourire vint se poser sur
sa bouche, comme une virgule de lumière. Il fit un petit trou dans la terre et
y déposa le corps raide et sans vie de la mésange.
« Et si nous n’avions plus le
langage, pensa Francesco, que nous resterait-il ? Peut-être cette simple
beauté de la nature qui n’en finit pas de mourir et de renaître. » Le
soleil vint jouer dans les plis de sa bure, et fit courir ses doigts lumineux
sur la face du moine. Et l’homme continua son chemin au cœur du silence des êtres.
© Thibault Marconnet
le 22 septembre 2017
le 22 septembre 2017
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