« C’est à travers la référence au nom de Joachim de Flore que le
19e va s’ouvrir comme un vaste concours : à celui qui l’écrira, cet
évangile éternel ! Seule rivalité littéraire au fond véritable. Qui
rédigera le vrai dictionnaire médical ? Hugo avec Dieu, La Fin de Satan,
Les Misérables ? En tout cas, il semble bien placé. Sand avec son
manuscrit de Spiridion trouvé dans un sarcophage ? Eugène Sue et ses
Mystères du peuple ? Auguste Comte ? Quinet ? Michelet ?
Lui, il tente le coup de force en 1864 avec La Bible de l’Humanité. Et Zola
trente-cinq ans plus tard qui commence les Quatre Evangiles ! Et Nietzsche
avec Zarathoustra qu’il présente en 1883 à l’éditeur Schmeitzner comme le “cinquième
évangile” manquant ! La vingt-cinquième image fantôme. La Bible fantôme du
genre humain… L’inspiration biblique, dans le style, réduite au principe de la
répétition. Dès qu’ils se sentent patriarches, ils prennent le ton psalmodiant.
Monotones vaisseaux du désert. Bosses oscillantes des dunes. Sagesse venues des
millénaires… Le figement lancinant du rythme et la perte de toute fantaisie
commencent par là, dans le plagiat du style biblique. Dans la volonté médicale
de faire l’évangile éternel. L’évangile sans foi ni lieu, sans feu ni loi, la
parure de l’effondrement du rien. Evangile des interdits disparus. De l’ennui
des jours sans interdits. Allez et enseignez toutes les nations… Ils partent.
Ils doivent. Ils vont écrire. Ils sont missionnés, Dieu le veut… »
Philippe Muray (in Le XIXe siècle à
travers les âges, p. 90)
« Dans l’état où il (l’homme) est réduit, il n’a pas même le
triste bonheur de s’ignorer : il faut qu’il se contemple sans cesse, et il
ne peut se contempler sans rougir ; sa grandeur même l’humilie, puisque
ses lumières, qui l’élèvent jusqu’à l’ange, ne servent qu’à lui montrer dans lui
des penchants abominables qui le dégradent jusqu’à la brute. Il cherche dans le
fond de son être quelque partie saine sans pouvoir la trouver : le mal a
tout souillé, et l’homme entier n’est qu’une maladie. » Joseph de Maistre
(in Les Soirées de Saint-Pétersbourg,
cité par Philippe Muray)
« Voilà le cas de Claudel : des pièces encore vaguement
jouées, une poésie oubliée, des essais sur l’art étourdissants mais
pratiquement jamais pris en compte, et surtout quinze livres exégétiques
admirables. Quinze méditations bibliques à même l’hébreu du fond du Livre et ce
latin cardé et recardé par sa vieille main incapable de trembler aussi bien
dans la glorification liturgique que dans la supplication chancelante. Et pour
salaire de ce travail, tous contre lui en même temps. Tous ! Tous les
héritiers des familles du 19e menacées dans leur héritage : rationalistes
rescapés, positivistes nostradamiques, surréalistes gymnosophistes, vicaires du
rituel de la table rase de sacrifices, libres penseurs congestionnés,
techniciens de la forme et de la langue, scientistes justiciers, curés
défroqués, militants de la foi universelle, fakirs du cosmos-cathédrale et des
maisons pour le peuple. Tous. Tous procureurs parce qu’associés. Tous associés
parce que procureurs. Et tous exaspérés parce qu’après tout il reste quand même
un doute. C’est peut-être eux, en fin de compte, qui ne sont pas tout à fait à
l’échelle. Qui ne sont pas à la hauteur du monde pour lequel ils militent parce
qu’ils y appartiennent trop. Et que lui, Claudel, il est peut-être celui qui
les voit, qui les comprend, qui les décrit. Leur historien en quelque sorte. Et
à force de s’époumoner contre lui, ils ont fini par se ressembler. En le
rendant, lui, encore plus différent et plus unique que ce qu’ils imaginaient.
Et eux encore plus collectifs, encore plus tas, plus stéréotype massif. C’est
par là d’ailleurs que l’on pourrait se rendre compte aujourd’hui qu’il a quand
même fini par gagner. Par cette furie et cette hargne qui les a égalisés contre
lui. Eux si différents entre eux, que de vrais abîmes séparent, Breton, Artaud,
Bernanos, il arrive un moment fugitif où soudain ils se ressemblent : cet
instant où ils se jettent sur Claudel, où ils l’accusent, le traînent à la
barre. Où ils obligent en somme leur adversaire à triompher contre eux. Une
œuvre d’art réussie est aussi le total de tous les procès d’égalisation que
l’on mène contre elle.
Un dépassement est datable lorsque, par rapport à tel ou tel événement,
tout ce qui l’entoure ou le précède se met brusquement à se ressembler. Une
singularité absolue qui rend sosies les singularités relatives. Le principe du
sosie fonde la société en même temps qu’il en rend les membres enragés. Une
société est composée de sosies à qui ça ne fait aucun plaisir d’être sosies. Il
s’agit donc de montrer comment Claudel les a tous rendus semblables, au point
de se faire ignorer si profondément et continûment que l’on pourrait à son
propos parler sans exagérer de chef-d’œuvre jusqu’à nos jours inconnus. »
Philippe Muray (in Le XIXe siècle à
travers les âges, p. 103-104)
« Le baptême est la manière pas bête du tout qu’avait trouvée
l’Eglise de désigner tout de suite au petit bonhomme, à travers ses parents, sa
boiterie fondamentale. Pour qu’il ne perde pas trop son temps ensuite à se
croire enfant trouvé. Donc à imaginer aussi que tout le genre humain
l’attendait de pied ferme pour modifier les données de la société, faire table
rase du passé et proposer un nouvel idéal de vie collective harmonieuse… On
sait ce qui choque le plus la raison, dans cette affaire de baptême :
c’est qu’il s’agit d’un sacrement administré alors que vous ne pouvez pas le
refuser. Comme si on vous disait qu’au fond ça ne vous regarde pas.
Humiliation, révolte, colère. On n’a pas le droit de violer les âmes ! De
mépriser notre libre arbitre ! Baptême peut-être, si on y tient, mais pas
avant l’âge de raison. Alors que le baptême était là pour dire qu’il valait
mieux prendre les devants. Que l’âge de raison n’était jamais qu’une hypothèse.
Qu’ils y avaient tant d’enfants qui restaient pour toujours des enfants… »
Philippe Muray (in Le XIXe siècle à
travers les âges, p. 184)
« Les ambitions syncrétistes, dit Chesterton, consistent à vouloir
“réunir ce qu’il y a de beau dans toutes les croyances, mais elles semblent
avoir rassemblé tout ce qu’il y a en elles de plus ennuyeux. Toutes les
couleurs mélangées devraient, si elles étaient pures, donner un blanc parfait.
Mélangées sur n’importe quelle palette humaine, elles donnent quelque chose
comme de la boue, quelque chose de très semblable à beaucoup de ces religions
humaines”. “Ce défaut naît de la difficulté de distinguer ce qui est réellement
mauvais dans une religion donnée. Ce dilemme pèse lourdement surtout sur ceux
qui ont le malheur de penser que dans une religion quelconque les parties
généralement tenues pour bonnes sont mauvaises et que les parties généralement
tenues pour mauvaises sont bonnes.” » Philippe Muray (in Le XIXe siècle à travers les âges, p.
186)
« On a des devins quand on n’a plus de prophètes, des sortilèges
quand on renonce aux cérémonies religieuses, et l’on ouvre les antres des
sorciers quand on ferme les temples du Seigneur. » François-René de
Chateaubriand (in Génie du christianisme,
cité par Philippe Muray)
« Qu’est-ce que c’est, le scandale de fond des religions du
passé ? Un Dieu, un seul, qu’on l’appelle Allah ou Yahvé, qui s’adresse à
un seul homme, Moïse ou Mohammed, au mépris de tous les autres. Ou pis
encore : qui se parle à lui-même (Jésus). Qu’est-ce que c’est, le progrès
social du spiritisme ? Tout le monde a le droit à une communication
personnelle. Des âmes des morts, simples gens disparus, aux vivants, simples
gens en disparition. Printemps des masses et des télécommunications. »
Philippe Muray (in Le XIXe siècle à
travers les âges, p. 194-195)
« Personne n’a envie de disparaître. Ça se comprend, c’est humain.
Ni, côté théorie, dans les morts philosophiques de l’homme ou les histoires du
sujet divisé ; ni, côté bien plus concret, dans la masse rayons X, les
collectivités sondées, le manteau d’Arlequin des foules, l’anonymat des
statistiques. D’où le besoin de plus en plus pressant, pathétique, de
communication universelle. Effusion sociale générale. Transmission de personne
à personne, c’est la définition de la télépathie. Qui n’est pas près de finir.
Elle ne fait même que commencer. » Philippe Muray (in Le XIXe siècle à travers les âges, p. 197)
« L’occultisme devient scientifique en même temps que le
socialisme. Et dans les mêmes proportions. On tripote beaucoup le spiritisme
dans les milieux révolutionnaires. Jusqu’à Lénine qui pratique les tables
tournantes durant son exil à Paris. Jusqu’aux guérisseuses géorgiennes des
vieillards moribonds du Kremlin. Si on se décide à faire l’expérience de ne pas
prendre a priori l’anecdote occultiste pour un fatras de délires imbéciles, si
on renonce au moins un temps à penser qu’il s’agit de régressions, si on se
décide bien plutôt à traiter ça comme des informations tordues sur la marche
silencieuse au progrès, on comprend les raisons de ces naissances communes, de
ces développements parallèles, de ces rencontres plus ou moins discrètes et de
ces croisements au fond des courants. » Philippe Muray (in Le XIXe siècle à travers les âges, p.
199-200)
« Comprendre les structures des sectes : première condition
pour comprendre les structures des masses et le phénomène totalitaire.
Contrairement à ce qu’on raconte pour faire surnager autant que possible l’idée
que les régimes socialistes auraient trahi leur programme primitif pour verser
dans une sorte de religion d’Etat terroriste, il ne s’agit pas de science
finissant par se métamorphoser au terme d’une série d’erreurs et de déviations
en religion, mais bien d’une religion au commencement et de la même à la fin.
Projet occulto-policier en amont ; régime policier-occulte en aval. »
Philippe Muray (in Le XIXe siècle à
travers les âges, p. 200)
« En tout cas, au milieu de l’évangélisme ambiant, du nouveau
christianisme libérateur, il (Baudelaire) sait exactement, lui, la raison, la
seule et unique, pour laquelle, de temps en temps, en fonction d’humeurs
personnelles et de données biographiques particulières, on peut trouver la
révolution délectable. Il ne le dit à personne, il l’écrit pour lui : la
révolution c’est Satan. C’est le “goût de la destruction” qui submerge. Le
vieux Prince du Monde qui se met à inscrire ses lois directement à même le
monde. Un goût, exactement, un style. Une préférence de l’instant. “Goût
légitime si tout ce qui est naturel est légitime.” Satan-naturel ?
Satan-nature ? Voilà de quoi faire s’entrechoquer les bénitiers
occulto-socialistes. L’inamnistiable Nature… Qu’ils veulent pourtant tous
consacrer, asperger, sanctifier, sauver. Rappeler d’exil. Réintégrer dans le
clan pour l’offrir en invitée surprise à la maîtresse de maison, la
“Femme-Messie”, la Dieue, la Goddess, la Divine Matter-Substance. Ou Dieux
(Père-Mère). Ou Dieu-Demain. Enfin, l’un de ces innombrables nouveaux noms
divins auxquels la tradition hébraïque a eu le tort immense de ne pas penser.
Les nouveaux mots de la tribu. Sa nouvelle légitimité. Baudelaire, comme
on sait et comme on ne le lui a pas pardonné, a ensuite choisi définitivement
l’illégitimité. L’enfer, l’éternité des peines, le péché aux origines. La “pure
doctrine catholique” contre la doctrine séraphique. » Philippe Muray (in Le XIXe siècle à travers les âges, p.
205-206)
« Mais d’abord maintenant, ici même, où en sommes-nous exactement ?
Comment en sommes-nous arrivés à ce monde-ci d’après le monde, ce 19e d’après
le 20e, plus vrai, plus réel que le 20e ? Un post-monde devenu
arrière-monde ? Les événements terminés avant d’être arrivés, roulant à
l’intérieur d’eux-mêmes toutes les utopies de post qu’on voudra, postidées et
postsocial, postféminismes, postromantismes, postoccultismes,
post-avant-gardes, postmodernité, postprogressisme. Postmortem et postface.
Avec cette bizarre impression d’une postsynchronisation générale et légèrement ratée,
décalée. Un doublage mal ajusté des corps aux voix, des voix aux bouches en
mouvement, des bouches à l’intérieur des têtes et des têtes aux réflexes qui
les traversent, aux sensations, aux affects, aux proclamations, aux prises de
position, aux confidences en tête à tête derrière ces prises de position.
Inutile d’en dire plus là-dessus. Jour par jour les médias diffusent pour
détailler le phénomène, rappeler que nous ne sommes plus que l’addition
statistique mobile d’opinions personnelles imperceptibles. Un ensemble
d’intentions de vote déjà connues et avalées bien avant le jour de scrutin. Les
fantômes de nous-mêmes ont une formidable longueur d’avance sur nous à présent.
Notre armée de spectres, de simulacres, de doubles, de simulations de sondage ;
avec la batterie de mesures préventives, de protections et sécurités qui nous
précèdent désormais. Le projectile humain a des difficultés avec les
frottements de l’air, les résistances, il est moins rapide que le fantôme,
c’est bien normal. Nos doubles vivent nos aventures. Difficile de les
rattraper. » Philippe Muray (in Le
XIXe siècle à travers les âges, p. 228-229)
« Occulte pour cacher le socialisme. Socialisme pour cacher
l’occulte. Mais occulte pour cacher que le socialisme n’est qu’un mot advenu pour
cacher la fin de tout social. Et socialisme pour cacher que l’occulte est un
mot pour aider à croire que quelque chose est encore caché. Vides se camouflant
mutuellement. » Philippe Muray (in Le
XIXe siècle à travers les âges, p. 229)
« En ces temps lointains où de grands esprits étaient persuadés
que les comètes et la lune, le soleil et les étoiles exerçaient leur influence
sur les êtres à la manière dont le beau temps ou la pluie règlent le destin des
récoltes, on était déjà en route, encore maladroitement certes, encore bien
silencieusement, vers l’affirmation de cette chose capitale, inséparable de
tout progressisme, qui consiste à vouloir absolument que l’histoire de la
petite famille humaine ait un sens et même une valeur, et même peut-être une beauté.
En elle-même et pas au-delà. Dans sa propre finitude. Le reste, l’existence de
la société et les conséquences de cette existence, les déterminations de
classe, les injustices à liquider, les inégalités, l’influence des rapports de
force économiques, tout cela est d’invention plus récente que l’illusion
d’influence de la voûte céleste sur le genre humain. Du point de vue de la
structure pourtant c’est exactement la même chose. Le délire astrologique
annonce le culte sociolâtrique. Pour parler comme Auguste Comte qui avait
d’ailleurs également une ère astrolâtrique. Il imaginait que les âges
théologique, métaphysique et positiviste étaient en succession, sur une ligne
rigoureusement droite. Que l’arrivée de l’un chassait l’autre. Il aurait eu
énormément de mal à imaginer qu’ils pouvaient aussi bien coexister, rentrés
télescopiquement en un seul homme, un seul cerveau, un seul drame de nerfs et
d’organes sous une seule identité : la sienne, par exemple. Le culte
sociolâtrique général, naturel – sans comtisme – revient à faire exister
quelque chose qui n’existe pas forcément mais à quoi tout le monde se sent tout
de même forcé de croire par solidarité, par solitude, par vanité un peu aussi,
et qui est la société. » Philippe Muray (in Le XIXe siècle à travers les âges, p. 237-238)
« En tout cas, personne n’ignore plus combien les socialismes ont
toujours des embêtements avec la réalité qu’ils entreprennent de corriger.
L’obstination des faits économiques. Les mauvaises habitudes de la nature
humaine vicieuse. Les goûts dépravés individualistes. Les égoïsmes, les
cynismes. L’amour de l’argent pour lui-même. Que voulez-vous, c’est toujours la
même affaire dès qu’une religion vraie se mêle de vouloir rétablir la vérité
chez les vivants. Les socialismes ont des difficultés avec les faits. Ils
s’énervent d’être contredits. Ils finissent par conspirer contre ces faits.
Comme disait fort précisément Proust : “Les faits ne pénètrent pas dans le
monde où vivent nos croyances.” Oui, mais quand nos croyances veulent faire
leur percée dans le monde criblé par les faits ? » Philippe Muray (in
Le XIXe siècle à travers les âges, p.
239)
« On sait ce que disait Bebel, parlant du socialiste antisémite
Toussenel : l’antisémitisme est le socialisme des imbéciles… Délicat pour
Marx, non ? Inutile de s’étonner que tout le monde achoppe sur cette
question du socialisme dans ses rapports à l’antisémitisme. Tant que l’on
n’aura pas vraiment admis que l’universel désir d’Harmonie, de fusion
obligatoire des jouissances égalisées, entraîne obligatoirement la folie de
liquidation d’un seul ou de quelques-uns, on n’aura pas beaucoup avancé du coté
des véritables Lumières… L’antisémitisme de Marx est bien connu, mais celui de
Jaurès ? Qui a jamais lu cet article du moins doctrinaire, du plus
humanitaire, du plus généreux et du plus panthéonisé des progressistes français
(ce texte date de 1895, Dreyfus a été condamné l’année précédente à la
détention perpétuelle, Jaurès dans La Dépêche de Toulouse commente en ces
termes une récente explosion antisémite des colons français en Algérie) :
“Sous la forme un peu étroite de l’antisémitisme se propageait en Algérie un
véritable esprit révolutionnaire”, commence-t-il. Un peu étroite ? Oui,
vous avez bien lu. Mais voici la suite : “Pourquoi n’y a-t-il pas eu en
Algérie un mouvement antijuif sérieux tant que les Juifs appliquaient, surtout
au peuple arabe, leurs procédés d’extorsion et d’expropriation ?” Jaurès
ne reproche pas aux colons leur antisémitisme, il le trouve simplement trop
égoïste, narcissique, trop étroit comme il dit, pas assez universalisé… On
croit chaque jour avoir tout lu sur le sujet, ne plus rien avoir à apprendre.
On n’en finira pas, en réalité. On n’en finira jamais. On n’explorera jamais
assez les tripes puantes de l’antisémitisme, son mystère d’infamie sans mesure.
La bonne conscience générale en a fait une passion “de droite” pour bloquer
l’enquête. C’est vrai, mais bien entendu à cinquante pour cent. L’antisémitisme
“de gauche”, lui, reste encore dans le brouillard. Archives planquées,
illusions. La férocité antijuive inouïe de Luther commence à peine à émerger.
“Luther inspirateur de Hitler” est une formule qui va sûrement mettre encore
beaucoup de temps à être digérée. “Luther influenceur du socialisme” rencontre
encore plus de résistances. » Philippe Muray (in Le XIXe siècle à travers les âges, p. 252)
« L’Eglise qui a longtemps résisté à la croyance populaire au
diable (résistance bien entendu ignorée de tout le monde puisqu’il fallait au
19e faire de Satan la victime type de l’Eglise oppressive en le réhabilitant
pour mettre en relief l’oppression catholique) a fini par céder. Le diable
devenu une personne s’est vite confondu avec le “Juif”. Lequel, cornu, poilu,
doué de la supervirilité dont se sentaient privés les mâles ou alors affligé de
menstrues interminables où se projetaient les désirs masculins de devenir des
femmes cornues et poilues, a vite été gratifié de tous les talents du démon.
Sorcier en chef, magicien noir. Maître des illusions, c’est-à-dire des armées du
sous-monde occulte. Circonciseur-castrateur de l’Esprit et en même temps
esclave de la Lettre. Prestidigitateur des signifiants. Bref, Prince de ce
monde. Donc des simulacres et des semblants. » Philippe Muray (in Le XIXe siècle à travers les âges, p. 255)
« Ah, cet argent qui enfin au 19e devient l’homonyme de Dieu
puisqu’il n’y a plus de Dieu. Qui remplit, avec cette différenciation
hallucinatoire qu’il établit entre les hommes, la place laissée vide par le
droit divin aboli des rois. Qui est la forme nouvelle de la transcendance, plus
cachée, plus alarmante et tourmentante, plus affolante que le vieux Dieu
imprononçable et irreprésentable des Juifs ou des chrétiens… Point d’épouvante
et d’angoisse de la religion du progrès. Point de mire de la haine sociale qui
se convertit en une furieuse passion catéchuménique dirigée vers celui qui
apparaît homonyme de cet argent fuyant : le Juif. Les religions en
expansion font presque toujours du prosélytisme. La croyance occulto-sociale du
19e se consacre immédiatement à la conversion de l’infidèle… Avec toute la rage
d’anéantissement que cela suppose. » Philippe Muray (in Le XIXe siècle à travers les âges, p.
255-256)
« Mais voilà maintenant le retournement, le coup de bourse fumant
du siècle. L’opération de spéculation géniale dans un marché encore hésitant
soumis à des fluctuations confuses, des timidités d’un autre age. Brusquement
le Juif errant, jusque-là socialistiquement et occultement mis en accusation,
condensation de nos deux superphobies, l’occulte et la sociale, obstacle à
notre passion de l’Harmonie qui n’est que la face maternellement souriante de
notre pulsion de meurtre contre le dysharmonique et la dissonance, le Juif
errant donc est renversé en positivité. Remis sur ses pieds. Convaincu de collaborer
à ce qui doit le supprimer. Lui, son errance et son malheur, mais aussi sa
religion, sa langue, ses livres et sa pensée si discordante… Dans ce coup de
théâtre ou cette rafle enthousiaste, quelques femmes sont les premières à
l’assaut. Des féministes de l’époque. A elles revient l’honneur de ramener
l’errance à sa source naturelle, c’est-à-dire à la Nature elle-même qu’elles ne
peuvent pas ne pas être. La Tribune des femmes en 1834 commente ainsi l’épopée
de Quinet : Ahasvérus est à la fois le symbole du prolétaire et de la
femme, “et il faut pour les racheter tous deux un nouveau messie, qui ne soit
plus un messie mâle et tout spirituel”… Senta dans Le Vaisseau fantôme sauvant
son Hollandais par sa fidélité ! Oreille de Wagner qui pointe. Plus de Juifs,
c’est-à-dire plus d’individus, plus d’élus, plus d’exceptions, plus de
particuliers. A la place évidemment des catégories, des groupes, des classes,
des sexes. Retour des universaux victorieux ; ils avaient été vidés de
toute réalité, crevés comme des bulles au 14e siècle par Guillaume
d’Occam ; ils reviennent cinq siècles après pour prendre leur revanche.
Triomphe des abstractions. Début de la dictature des ensembles. Toutes les
religions ont la meme origine et nous sommes tous frères et sœurs. Le cri
occulte et le cri social. Où on reconnaît aisément la source d’un conflit qui
n’en finira jamais. Bonne volonté ou pas, le socialisme universaliste qui veut
la libération générale rencontre nécessairement son impasse en butant contre
les Juifs à qui il lui faut imposer de force cette libération. Comme il se
trouve que des Juifs ont abandonné au socialisme quelques principes dont
celui-ci s’est nourri et comme d’autre part le sionisme en s’inspirant du
socialisme s’est débarrassé du programme universaliste de celui-ci, il est
presque fatal que le socialisme soit amené à vouloir réduire le particularisme
juif au nom de l’intérêt général. On connaît le déroulement du feuilleton
jusqu’à nos jours : de la situation des Juifs dans l’Empire soviétique de
la libération décapante intégrale, aux comparaisons élégantes avec la Wehrmacht
qui sautent à l’esprit de tout un chacun actuellement dès qu’apparaît à
l’horizon le premier soupçon de tourelle de char israélien… » Philippe
Muray (in Le XIXe siècle à travers les
âges, p. 258)
« Le protestantisme est un progressisme émancipateur. Sa
suppression du Purgatoire (s’il n’y a pas de Purgatoire, c’est que les défunts
vont tout de suite au Paradis ou en Enfer, je ne suis pas obligé de prier pour
eux et pour leur délivrance, ils n’ont donc pas besoin de moi et c’est moi bien
entendu qui vais avoir besoin d’eux comme informateurs) ouvre la voie sans s’en
douter aux nécromances modernes. À l’écoute obsédée des cadavres. À l’oreille
tendue vers les messages de la Thanatosphère. À la demande infinie d’analyse.
Pendant des centaines d’années on a parlé à Dieu et Dieu tout compte fait est
resté assez remarquablement muet malgré de notables exceptions. À l’inverse,
l’avantage de la nécromance c’est que les morts y sont bavards. Babillards,
généreux, profus. Parfois capricieux, certes, boudeurs, silencieux pendant des
tas de séances, susceptibles, énigmatiques. Mais la plupart du temps éloquents.
Souffleurs ventriloques. Multiples. En légion. D’une énergie subjuguante. Ils
tiennent vraiment la longueur. En quelques années de nécromance dixneuviémiste,
ils en diront plus, infiniment, que Yahvé dans tous les siècles de la Bible. Il
suffisait de demander en somme. Des signes. De coller son oreille et puis sa
bouche contre la porte des tombeaux. De passer la tête dans le trou noir
humide, la Bouche d’Ombre excitante. Un style s’élabore. Le style dixneuvième.
Le style c’est l’homme ? Non, c’est le mort auquel on s’adresse. Discours
de revenant adressé à quelqu’un qui n’est rien d’autre que le lieu de retour de
ce discours. Imaginez cette boucle d’écrans, ce vertige d’images : une
caméra filmant un écran de télévision où passe en même temps la cassette vidéo
de ce que la caméra est en train de filmer… Eternel retour électronique ! Non,
décidément, sans religion des cadavres il n’y a pas de progrès. Le néoplasme,
voilà le vrai nouvel ectoplasme. Néoplasme est un mot qu’emploie Freud en 1899
dans une lettre à Fliess où il se qualifie de revenant. Synonyme, dit-il, de
cancer. Tout revenant est un cancer qui a remplacé le tissu sain. Un carcinome.
Rien ne peut plus y adhérer, on ne fait pas une greffe sur un cancer. “Il n’y a
que des revenants, tous ceux que nous avons perdus reviennent.” Stade ultime du
magnétiseur exposé magnifiquement dans la nouvelle de Poe dont j’ai déjà parlé,
où le moribond galvanisé est transformé en cancer éternifié. Il n’y a qu’une
façon de revenir : comme cancer. Il n’y a qu’une manière de
survivre : la métempsycose. Dont l’avatar est la tumeur. C’est peut-être
la raison pour laquelle la maladie du siècle des revenants normalisés – notre
siècle – est le cancer précisément. Les cancers. Les cancers comme 19e revenu
parmi nous ? » Philippe Muray (in Le
XIXe siècle à travers les âges, p. 267)
« Dès que d’une manière quelconque la corruption intervient, une
superstition aux aspects variés commence à prédominer, tandis que la croyance
qu’un peuple professait dans son ensemble pâlit et devient impuissante :
la superstition est en effet une libre pensée de second ordre – celui qui s’y
livre choisit un certain nombre de formes et de formules qui lui conviennent et
s’autorise ainsi du droit même de choisir. Comparé à l’homme religieux, le
superstitieux est beaucoup plus “personnel”, et une société superstitieuse sera
celle qui compte déjà beaucoup d’individus, et où se manifeste déjà le désir de
l’individualité. » Friedrich Nietzsche (cité par Philippe Muray, in Le XIXe siècle à travers les âges, p.
279)
« Le catholicisme n’est pas une maladie de croissance du
christianisme éternel et naturel.
C’est le “christianisme” tel qu’on l’invoque contre le catholicisme qui
est la tentation permanente de dissolution du catholicisme dont il propose la
réhabilitation sociale par la Nature et la guérison par les plantes. »
Philippe Muray (in Le XIXe siècle à
travers les âges, p. 284)
« Le protestantisme est l’affolement de la raison devant la
folie catholique.
Le monde est donc plein d’idées protestantes raisonnables. »
Philippe Muray (in Le XIXe siècle à
travers les âges, p. 284)
« L’universel, c’est-à-dire le catholique, n’a rien à voir avec
l’univers mais il le voit. » Philippe Muray (in Le XIXe siècle à travers les âges, p. 284)
« Le mot catholique a été choisi comme une provocation
humoristique en prévision d’un univers où chacun allait se prendre pour
l’universel incarné. » Philippe Muray (in Le XIXe siècle à travers les âges, p. 284)
« La prétention catholique à se présenter comme l’universel est
l’équivalent par l’absurde de la déclaration d’élection de la religion juive.
Toutes deux forcent l’adversaire à avouer sa volonté d’être le seul élu
universel. » Philippe Muray (in Le
XIXe siècle à travers les âges, p. 284)
« Ces mots, “Eglise catholique”, n’ont jamais signifié qu’une
seule chose : inconcurrençable et inimitable.
D’où le malaise dans notre civilisation de concurrence et
d’imitation. » Philippe Muray (in Le
XIXe siècle à travers les âges, p. 284)
« L’occulte quand il arrive au pouvoir a immédiatement à faire
face à un fantasme d’occulte qu’il doit violemment susciter pour maintenir son
pouvoir magique. C’est-à-dire pour avoir l’air de la raison scientifique qui
combat les chauves-souris du Mal. L’occulte devenu religion officielle sans
jamais être appelé occulte se pare des apparences du rationalisme le plus dur
et le moins soupçonnable, c’est d’ailleurs pour ça qu’il a besoin du
congélateur positiviste. C’est pourquoi également il se bat toujours
publiquement contre des fantômes d’occulte en invitant les citoyens à
participer à la chasse au vampire. C’est pourquoi aussi l’“occulte” qu’il
persécute représente toujours l’inhibition sexuelle qu’il est lui-même. C’est
pourquoi enfin il se dépense pour interdire toute vérité qui pourrait remonter
du côté de la zone trouble des dégâts sexuels. C’est pourquoi plus généralement
tout pouvoir occulte officiellement rationaliste lutte pied à pied pour
conserver le sacré, tout le sacré et rien que le sacré. Aristocrates
corrupteurs et corrompus en 93, hommes en noir au milieu du 19e, Juifs et
maçons à la fin, Juifs comme jamais sous Hitler, Juifs sous Staline et blouses
blanches et koulaks, banquiers cosmopolites sous tous les socialismes, système
bourgeois aliénant pour tous les gauchismes, on pourrait allonger la litanie,
c’est éternellement la même phobie. » Philippe Muray (in Le XIXe siècle à travers les âges, p.
291-292)
« Une espèce de critique paradoxale a déjà essayé de travestir le
monarchiste Balzac, l’homme du trône et de l’autel, en homme de subversion et
de démolition. Nous sommes familiarisés avec ce genre de supercherie. »
Charles Baudelaire (cité par Philippe Muray in Le XIXe siècle à travers les âges, p. 378)
« J’exprimerai patiemment toutes les raisons de mon dégoût du
genre humain. Quand je serai absolument seul, je chercherai une religion (…) et
au moment de la mort, j’abjurerai cette dernière religion pour bien montrer mon
dégoût de la sottise universelle. Vous voyez que je n’ai pas changé. »
Charles Baudelaire (cité par Philippe Muray, in Le XIXe siècle à travers les âges, p. 380)
« Je vous donne au passage un tuyau pour déceler la prise ou la
tentative de prise dixneuviémiste, c’est-à-dire occulto-socialiste, sur les
sujets un peu en retrait, en exception par rapport à la masse. Dès que vous en
rencontrez un qui est soupçonné d’impuissance – ou du moins d’intermittences
dans ce domaine – méfiez-vous ! Dès qu’il faut absolument et unanimement
qu’il ait été clignotant du sexe, incapable de se vaso-dilater à la commande,
éperdu, souffrant parfois et parfois non, trop précoce ou trop tardif selon les
coups, c’est qu’on veut absolument qu’il ait été fragile par un bout et qu’on
n’a trouvé que ce bout-là, le sexuel. Friable, pas fiable… Pilote d’un engin
peu sûr, irrégulier. Capable de ne pas démarrer à la commande. Ou alors de se
retrouver dans le décor. De rater les virages dangereux par vice de forme.
Enfin quoi, il faut bien que d’une façon ou d’une autre, quelque chose en lui
ait été quand même l’esclave du flux de la vérité socialocculte infinie. Son
ectoplasme convocable. Son revenant mesurable. Envoûtable. Mesmérisable.
Impressionnable pour tout dire. Machine sans pilote. On vous le disait bien… Il
n’a pas les moyens de son ambition. Il se laisse gouverner, influencer. Même
pour les bagatelles. Les Furies le tiennent. Il n’est que leur embryon, somme
toute et à jamais. On en revient toujours au même point. » Philippe Muray
(in Le XIXe siècle à travers les âges,
p. 381)
« Nouveau cran dans la religion progressante de la mort.
L’incinération. On aime tellement le cadavre qu’on tient à le préserver des
vers… Voilà comment nous nous orientons vers quelque chose que nous connaissons
bien puisque c’est la virginisation de la mort et que nous sommes en plein
dedans aujourd’hui comme jamais aucune civilisation ne l’a été. » Philippe
Muray (in Le XIXe siècle à travers les
âges, p. 468)
« La torpeur moderne vient du respect illimité que l’homme a pour
lui-même. Quand je dis respect, non, culte, fétichisme. Le rêve du socialisme,
n’est-ce pas de pouvoir faire asseoir l’humanité, monstrueuse d’obésité, dans
une niche toute peinte en jaune, comme les gares de chemin de fer, et qu’elle
soit là à se dandiner sur ses couilles, ivre, béate, les yeux clos, digérant
son déjeuner, attendant son dîner, et faisant sous elle ? – Ah ! Je
ne crèverai pas sans lui avoir craché à la figure de toute la force de mon
gosier. » Gustave Flaubert (cité par Philippe Muray in Le XIXe siècle à travers les âges, p.
490)
« La femme me semble une chose impossible. Et plus je l’étudie, et
moins je la comprends. Je m’en suis toujours écarté le plus que j’ai pu. C’est
un abîme qui attire et qui me fait peur ! Je crois, du reste, qu’une des
causes de la faiblesse morale du 19e siècle vient de sa poétisation exagérée.
Aussi le dogme de l’Immaculée Conception me semble un coup de génie politique
de la part de l’Eglise. Elle a formulé et annulé à son profit toutes les
opérations féminines du temps. Il n’est pas un écrivain qui n’ait exalté la
mère, l’épouse ou l’amante. La génération, endolorie, larmoie sur les genoux
des femmes, comme un enfant malade. On n’a pas idée de la lâcheté des hommes
envers elles ! » Gustave Flaubert (cité par Philippe Muray in Le XIXe siècle à travers les âges, p.
492)
« Ronronnement de la répétition maniaque des vivants croyant avoir
un droit au savoir illimité et devenant de plus en plus massivement et
visiblement ignorants au fur et à mesure que leur religion d’auto-légitimité
s’accroît et prolifère dans tous les sens. Poussés vers cette impasse
d’eux-mêmes où leur orgueil va imploser, où leur absence viscérale de complexes
va triompher. Où ils vont s’imaginer de plus en plus autorisés à tripoter
n’importe quoi comme si ça leur appartenait. Où Bouvard et Pécuchet ne vont
plus être deux mais mille et des centaines de milliers et des millions à se
contempler, à se regarder, à s’aimer, à donner leur opinion sur tout ce qui
passe, à souffrir aussi comme jamais dans leur éternel retour de radotage par
lequel ils deviennent irrésistiblement semblables les uns aux autres tout en
imaginant qu’ils cultivent des différences, qu’ils gèrent eux-mêmes leur
apparence et contrôlent souverainement leur propre source… Je n’ai pas besoin
d’en dire plus, il suffit d’ouvrir sa radio, d’allumer sa télévision. Le
“génie” multiforme et complexe des médias n’a pas mis très longtemps à
comprendre que l’avenir c’était ça : donner la parole aux auditeurs,
ouvrir les canaux au public, accueillir les avis, poncifs et clichés, se
pencher dessus gravement, les enregistrer, les archiver, les discuter comme
s’il s’agissait à chaque fois d’une nouvelle vision bouleversante du monde,
faire en somme de plus en plus comme si nous n’étions pas tous dupliqués
désormais ou comme si Bouvard n’était pas le clone exact de Pécuchet et
celui-ci l’ombre parfaitement copiée de son reflet…
Bouvard et Pécuchet ou la mortification obsédée de tous dans la
tragédie contemporaine des dédoublements. La dépression, la crise, la terreur
actuelle sur tous les fronts, l’angoisse dans les têtes, les diverses peurs
modernes, post-modernes, post-post-modernes, n’ont pas d’autre origine que ce syncrétisme
invisible, spontanément et innocemment planétaire, né dans la soufflerie
gigantesque du 19e et poussé jusqu’à nous, agrandi, répandu, diffusé,
pulvérisé, en suspension dans notre air, persistant comme notre dernière
croyance possible, la solution religieuse finale de l’ère de la fin… »
Philippe Muray (in Le XIXe siècle à
travers les âges, p. 492)
« Non seulement en notre naissance, mais encore pendant notre
enfance, nous sommes comme des bêtes privées de raison, de discours et de
jugement. » Saint François de Sales (cité par Philippe Muray in Le XIXe siècle à travers les âges, p.
553)
« L’enfance est la vie d’une bête. » Jacques Bénigne Bossuet
(cité par Philippe Muray in Le XIXe
siècle à travers les âges, p. 553)
« Je dois ajouter, au risque de jeter une ombre sur sa mémoire (celle
d’Eugène Delacroix), au jugement des âmes élégiaques, qu’il ne montrait pas non
plus de tendres faiblesses pour l’enfance. L’enfance n’apparaissait à son
esprit que les mains barbouillées de confiture (ce qui salit la toile et le
papier), ou battant le tambour (ce qui trouble la méditation), ou incendiaire
et animalement dangereuse comme le singe.
“Je me souviens fort bien, disait-il parfois, que quand j’étais enfant,
j’étais un monstre. La connaissance du devoir ne s’acquiert que très lentement,
et ce n’est que par la douleur, le châtiment, et par l’exercice progressif de
la raison que l’homme diminue peu à peu sa méchanceté naturelle.”
Ainsi, par le simple bon sens, il faisait un retour vers l’idée
catholique. Car on peut dire que l’enfant, en général, est, relativement à
l’homme, en général, beaucoup plus rapproché du péché originel. » Charles
Baudelaire (cité par Philippe Muray in Le
XIXe siècle à travers les âges, p. 554)
« (…) il (Baudelaire) vient de recevoir le dernier volume de Hugo
agrémenté d’une dédicace : jungamus dextras… Il commente férocement :
“Cela, je crois, ne veut pas dire seulement : donnons-nous une mutuelle
poignée de main. Je connais les sous-entendus du latin de V. Hugo. Cela veut
dire aussi : unissons nos mains, POUR SAUVER LE GENRE HUMAIN. Mais je me
fous du genre humain, et il ne s’en est pas aperçu.” » Philippe Muray (in Le XIXe siècle à travers les âges, p.
568)
« Mes chers frères, n'oubliez jamais, quand vous entendrez vanter
le progrès des lumières, que la plus belle des ruses du diable est de vous
persuader qu'il n'existe pas. » Charles Baudelaire (cité par Philippe
Muray in Le XIXe siècle à travers les
âges, p. 651-652)
« Chier est une prière, à ce que disent les démocrates quand ils
chient. » Charles Baudelaire (cité par Philippe Muray in Le XIXe siècle à travers les âges, p.
660)