Le livre-CD Attila József / À cœur pur est paru aux
Éditions du Seuil en 2008. C’est la regrettée Kristina Rády qui fut
l’initiatrice de ce formidable projet. Sœur de langue de cet immense poète
hongrois méconnu, elle voulut lui faire remonter le Danube jusques en France.
Attila József |
Comme elle le
rappelle, « […] le hongrois est, dit-on, la seule langue que même le
diable respecte… mais ne parle pas ». Cet ouvrage comporte 22 poèmes
retraduits pour l’occasion par Kristina Rády elle-même. La poésie d’Attila
József est un cœur battant, un cœur battu. En 1937, alors âgé de 32 ans, le
poète s’en alla faire rouler son corps sous le train de la mort. Et ce n’est
point ici une creuse métaphore puisqu’il s’allongea littéralement sur des
rails devant une de ces machines en partance vers l’au-delà du verbe.
Statue de Attila József à Budapest |
Son compatriote Arthur Koestler, écrira d’ailleurs ces mots quelques jours après le suicide du poète (la citation suivante est extraite de la préface de cet ouvrage) : « […] Attila József fut considéré comme un grand poète dès l’âge de 17 ans, nous savions tous qu’il était un génie et pourtant nous l’avons laissé s’effondrer sous nos yeux… Je parle de cette affaire, car elle est caractéristique de par son acuité. Elle s’est passée dans cette Hongrie “exotique”, au milieu de ce petit peuple qui est le seul à n’avoir aucun parent de langue en Europe et qui se trouve ainsi le plus solitaire sur ce continent. Cette solitude exceptionnelle explique peut-être l’intensité singulière de son existence… et la fréquence avec laquelle ce peuple produit de tels génies sauvages. Pareils à des obus, ils explosent à l’horizon restreint du peuple, et puis on ramasse leurs éclats […] Ses véritables génies […] naissent sourds-muets pour le reste du monde. Voilà pourquoi c’est à peine si j’ose affirmer […] que cet Attila József dont le monde […] ne va pas entendre beaucoup parler […] fut le plus grand poète lyrique d’Europe. C’est un stupide sentiment du devoir qui m’oblige à déclarer cette mienne conviction, bien que cela ne profite à personne. Cela n’arrêtera pas le train non plus. »
Le
comédien Denis Lavant incarne la parole toujours vivante de cet homme
tourmenté, de ce frère humain qui, du fond de la terre, a tant de choses essentielles
à nous clamer. Quant à Serge Teyssot-Gay, sa guitare est une clef de
voûte : elle exhausse la voix du poète transvasée dans la bouche habitée
du comédien. Et c’est alors qu’il nous semble battre encore à nos oreilles
l’incomparable chant de ce « cœur pur ».
Denis Lavant & Serge Teyssot-Gay - Éveil (Attila József)
Denis Lavant & Serge Teyssot-Gay - Auprès du Danube (Attila József)
Denis Lavant & Serge Teyssot-Gay - Pose ta main (Attila József)
Denis Lavant & Serge Teyssot-Gay - Le Septième (Attila József)
Denis Lavant & Serge Teyssot-Gay - À coeur pur (Attila József)
Denis Lavant & Serge Teyssot-Gay - Éclaire ton enfant (Attila József)
Denis Lavant & Serge Teyssot-Gay - Maman (Attila József)
Denis Lavant & Serge Teyssot-Gay - Sans espoir (Attila József)
Denis Lavant & Serge Teyssot-Gay - Auprès du Danube (Attila József)
Denis Lavant & Serge Teyssot-Gay - Pose ta main (Attila József)
Denis Lavant & Serge Teyssot-Gay - Le Septième (Attila József)
Denis Lavant & Serge Teyssot-Gay - À coeur pur (Attila József)
Denis Lavant & Serge Teyssot-Gay - Éclaire ton enfant (Attila József)
Denis Lavant & Serge Teyssot-Gay - Maman (Attila József)
Denis Lavant & Serge Teyssot-Gay - Sans espoir (Attila József)
© Thibault Marconnet
09/07/2014
La maigre silhouette d'une poète dont on voudrait rigoureusement étreindre les rugosités. On sent qu'il s'échappe des prises qu'aurait sur lui l'existence. Son oreille comme tendue sur les rails entend très distinctement le vide des wagons, ces contingences humaines.
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