Voici une merveilleuse exposition photographique de Stefania
Beretta, intitulée “Una
Segnaletica dell'Essere (1986-2016)” et qui rassemble des photographies qu'elle
a prises lors de divers séjours en Inde. Je me permets de partager ces quelques
clichés pris lors de ma visite. L'exposition a eu lieu du 9 juillet au 9 octobre 2016 au Museo Comunale d'Arte
Moderna d'Ascona, dans le Tessin (Suisse italienne). © Tous droits réservés à
Stefania Beretta. http://museoascona.ch/it/mcam/esposizioni/stefania-beretta.
Une citation de Pier Paolo Pasolini se trouve inscrite sur l'un des murs, en préambule
de l'exposition. Elle est extraite de son livre “L'odeur de l'Inde”
(Folio/Gallimard) : « Un Occidental qui va en Inde a tout, mais en réalité il
ne donne rien. L'Inde au contraire, qui n'a rien, en réalité donne tout. »
De manière littérale, "sémaphore" signifie "porter un signal". C'est la tâche que je fais mienne à travers ce blog : transmettre des signaux à ceux qui veillent encore dans la grisaille du siècle. Il y sera question d'Art principalement. À savoir que l'Art n'est pas un divertissement futile mais peut-être l'une des meilleures façons de poser des questions aux "animaux parlants" que nous sommes.
jeudi 12 janvier 2017
Rallumer les grands alambics de la beauté
Nicolas de Staël, Le soleil, 1952 |
À force de détruire toute espérance en un monde et des
hommes meilleurs, notre société a perdu son âme : elle est devenue
recroquevillée, étriquée, veule et sans gloire. L’essayiste et philosophe du
langage George Steiner souligne avec justesse l'importance qu'il y a de pouvoir
se tromper : certes, les différentes idéologies du XXème siècle ont fait
beaucoup de torts à l'humanité, mais faut-il pour autant sombrer dans la désillusion
la plus totale et le cynisme glacé de notre époque ? Je ne crois pas. Plus que
jamais il convient de rallumer les grands alambics de la beauté, en faisant de
l'art un socle pour permettre de s'élever et de ne plus patauger dans la fange
du nihilisme. C'est notre regard vide et froid d'individus blasés, résignés qui
attise les forces de mort à l'œuvre dans le terrorisme, d'où qu'il provienne.
C'est notre absence d'élévation spirituelle (à comprendre ici dans un sens
large de culture de l'esprit) qui nous conduit droit aux différents attentats
qui éclatent un peu partout sur notre globe. Steiner n'est pas devenu gâteux,
loin s'en faut. C'est nous qui sommes devenus des vieillards avant l'heure, à
force de tout railler par d'insipides moqueries. Notre sourire mesquin a
l'apparence d'un rictus de mort. En sapant petit à petit les élans de notre
âme, nous nous sommes retrouvés coincés sous les gravats de nos temples de la
consommation outrancière et racoleuse. La parole du poète Ossip Mandelstam devrait
avoir aujourd'hui pour nous valeur d'exemple : « En me privant des mers, de
l'élan, de l'envol, / Pour donner à mon pied l'appui forcé du sol, / Quel
brillant résultat avez-vous obtenu : / Vous ne m'avez pas pris ces lèvres qui
remuent ! » Tant que des lèvres remueront dans le temps de la nuit, rien ne
sera tout à fait perdu.
© Thibault Marconnet
le 8 janvier 2017
George Steiner : Entretien avec Laure Adler (Hors-champs) [2015] :
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