mercredi 12 février 2014

L'autre est créateur



Lors d’une discussion avec quelqu’un qui m’est inconnu, tout dans la rencontre est déjà promesse de découverte ou refus de prolonger cette approche. L’autre est porteur d’un univers en soi-même, d’une terre nouvelle, d’une rive peuplée de phares et d’écueils ; il est ce qui m’est totalement étranger car je ne pourrais jamais entrer en lui, il n’y a nulle symbiose ni aucune assimilation possible. 



La seule communion qui puisse nous rapprocher n’est dès lors qu’imparfaite, incomplète et nous devons nous en contenter. Ce langage qui nous relie à l’autre est divers par essence : sa source file, bondissante, au travers des gestes, des expressions du visage et combien celui-ci peut être troublant de beauté et d’émotion ! Et cet accord, cette liaison passent évidemment par la parole même, qui est en droit et a le pouvoir de nourrir nos erreurs, nos malentendus, nos interprétations les plus fantasques tout autant que nos joies les plus fortes lorsque nos mots viennent épouser ceux de l’autre ainsi qu’une figurine revient se loger en son moule d’origine. 



Lorsque l’autre et moi-même sommes au sein de cette parole, celle-ci se referme, se clôt à tout ce qui l’entoure comme si les rues, les arbres, les couleurs, les êtres ne formaient plus qu’un espace flou et indistinct, ostracisé du lieu même de l’entretien. Dans cet endroit de la parole, est mis à l’index tout ce qui ne lui agrée pas, elle discrimine avec une grande vivacité. La ville que je traverse en solitaire et celle que je parcours durant un échange avec une personne sont identiques et ne sont pas les mêmes : mon point de vue éclaire le lieu d’une lumière différente. 



L’autre n’est pas seulement un monde en soi-même, il me permet d’accéder à un profond étonnement, me fait sortir de moi pour me placer devant une fenêtre qui ne demande qu’à s’ouvrir toute grande sur ce qu’il représente et sur une perspective nouvelle : voir autrement. L’autre transfigure mon rapport au monde car il est le détenteur d’un pouvoir de création qui lui est inconnu, heureux démiurge qui s’ignore ! 




Thibault Marconnet
2009-2010

2 commentaires:

  1. C' est une conception très intéressante, je me demande parfois s' il n' existe pas une fusion dans le Verbe, et si ne s' exerce pas " une pénétration platonique" dans les échanges vrais, en tout cas parler avec un " pair" me recrée.

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